Il était une fois deux pauvres marchands, le mari et la femme, qui tiraient toute leur subsistance du commerce des peaux de bêtes. Un jour qu'ils traversaient une forêt en portant une dépouille de boeuf fraîchement tué, ils virent venir à eux une bande de voleurs.
Baraquet et Baraquette - c'était leur nom - montèrent aussi vite que possible dans un arbre afin de laisser passer les brigands sns courir le risque de se faire voler leur bien. Mais, hélas ! les gredins, fatigués d'une longue course, s'arrêtèrent juste sous leur arbre et dressèrent leur camp pour la nuit.
Dans une position fort incommode, le couple assista à la préparation de la soupe que l'on fit juste sous leur branche. L'odeur était bonne, seulement l'appétit leur manquait et ils auraient préféré un simple quignon depain dans un tout autre endroit.
A un moment, Baraquette souffla à l'oreille de son mari :
- J'ai besoin de pissa, Baraquet... Coussi faire ? (Comment faire ?)
Effrayé, Baraquet lui répondit :
- Sarro... sarro (serre... serre). Il faut patienter.
Mais, au bout d'un moment Baraquette ne pouvant plus tenir de s'écrier :
- Je n'en puis plus... arrivera que pourra...
- Fais doucement... très doucement... lui conseilla alors son mari, tremblant de peur.
Elle le fit tout doucement et le brigand préposé à la soupe croyant avoir affaire à une intervention divine dit à son compagnon qui touillait la marmite :
- Remue et remue toujours, puisque la manne de Dieu tombe du ciel...
Peu après, Baraquette eut envie de faire quelque chose de plus grve :
- Dis, Baraquet... j'ai envie de caga...
Affolé, Baraquet lui répondit :
- Serre... serre. Il faut patienter.
- Je n'en puis plus... arrivera que pourra...
- Alors fais tout doucement.
Elle le fit tout doucement et le brigand dit à son compagnon :
- Touille et touille... Dieu nou comble de plus en plus, profitons-en, pareille aubaine ne se produit pas souvent...
Peu arès, Baraquette trouvant la peau lourde dit à son mari :
- Baraquet, je suis moulue et fourbue... qu faire de la peau ?
- Change-la d'épaule et tais-toi.
Elle la changea d'épaule, mais un peau est une peau et Varaquette la trouva aussi lourde sur l'épaule gauch que sur l'épaule droite, aussi s'en plaignit-elle et la laissa choir.
- Au Diable ta peau ! hurla alors Baraquet, sans pouvoirse retenir.
Voyant tomber une peau noire, e entendant parler du Diable, les brigands ne doutèrent pas de sa présence au-dessus d'eux. Ils s'enfuirent, laissant là tous leurs trésors.
C'est ainsi que, grâce au Diable que l'on met dans toutes les sauces, Baraquet et Baraquette vécurent heureux et considérés jusqu'à la fin de leur vie.
Claude Seignolle, Contes, récit et légendes des pays de France