La mort du Diable

Il y avait une fois dans une forêt un lion, un corbeau et une fourmi qui avaient acheté ensemble un cochon. Mais, au moment du partage, ils ne surent comment faire les parts.
Alors le lion dit au corbeau :
- Toi qui peux voler, monte sur le plus haut des arbres que tu trouveras et regarde si tu vois pas quelqu'un pour partager le cochon.
Une fois sur l'arbre, le corbeau aperçut un soldat. Vite il vola vers lui et lui demanda de partager le cochon.
- Bon, dit le soldat.
Lorsqu'il fut arrivé devant le cochon, il sortit son couteau et coupa.
Il donna la tête à la fourmi qui aime bien se promener.
Il donna les boyaux au corbeau qui aime bien gratter.
Il donna le reste au lion qui a un appétit féroce.
Cela fait, le soldat s'apprêtait à partir lorsque les trois bêtes le retinrent en lui disant:
- Nous ne sommes pas des ingrats, nous allons te faire chacun un cadeau.
Le lion lui dit :
- Arrache-moi un poil et quand tu diras : "Par la vertu de mon poil de lion", tu deviendras le plus gros lion.
Le corbeau lui dit :
- Arrache ma plus grosse plume et quand tu diras : "Par la vertu de ma plume de corbeau", tu deviendras le plus beau corbeau.
La fourmi lui dit :
- Fais de même, arrache-moi une patte et quand tu diras : "Par la vertu de ma patte de fourmi", tu deviendras la plus petite fourmi.
Le soldat partit avec le poil, la plume et la patte qu'il mit dans sa poche.
Bientôt il fit une nuit si noire que le soldat eut de la peine à se diriger. Enfin, il aperçut une lumière. Il s'y dirigea et se trouva devant une maison. La porte était fermée ; il frappa. Comme personne ne répondait, il entra et trouva à l'intérieur une ravissante jeune fille, toute esseulée.

Lorsqu’elle vit le soldat, elle lui dit, affolée :
- Partez, partez tour de suite, vous ne savez donc pas que vous êtes ici chez le Diable !…
- Que faites-vous là ? lui demanda le soldat.
Elle lui dit que le Diable avait brûlé sa sœur et qu’elle-même n’avait dû son salut qu’à sa beauté.
- Il veut que je sois sa femme, ajouta-t-elle en pleurant de dépit.
- Oh ! ça non, dit le soldat, il ne vous aura pas pour femme.
A ce moment, le Diable arriva. Aussitôt, le soldat tira de sa poche la patte de fourmi et dit :
- Par la vertu de ma patte de fourmi.
Il devint fourmi et pu voir sans être vu.
Le Diable chercha à caresser la jeune fille mais celle-ci se défendait avec force.
- Si tu ne veux pas de moi pour mari, disait-il, je te brûlerai comme ta sœur.
Le lendemain, le Diable repartit ; alors le soldat redevint homme.
- Ce soir, dit-il à la jeune fille, vous vous laisserez caresser et vous demanderez au Diable où se trouve sa mort.
Le soir, le Diable revint. Le soldat se cacha et la fille se laissa caresser.
- Où se trouve ta mort ? demanda la jeune fille au Diable.
- Puisque tu te laisses faire, je vais te le dire. Elle se trouve dans un œuf de pigeon qui se trouve dans le ventre d’un pigeon qui se trouve dans le ventre d’un lion qui se trouve au-delà de la mer.
Alors, sans tarder, le soldat partit à la recherche de la mort du Diable.
En arrivant au bord de la mer, il tira de sa poche la plume du corbeau et dit :
- Par la vertu de ma plume de corbeau.
Il devint corbeau et put voler par-delà la mer.
Arrivé de l’autre côté, il pensa qu’il lui fallait travailler pour vivre en attendant de trouver le lion.
Justement, le roi du pays cherchait un berger qui n’avait peur de rien car il fallait être très courageux pour garder ses brebis parce qu’un lion venait en dévorer plusieurs par jour – et parfois le berger par la même occasion.

Le premier matin qu'il garda les brebis du roi, il vit arriver sur le coup de onze heures un énorme lion qui s'approcha de lui en rugissant.
Voyant cela, le soldat tira de sa poche le poil du lion et dit :
- Par la ertu de mon poil de lion.
Il devint lion et il put étrangler le lion. Alors il l'éventra et u pigeon s'envola des boyaux du fauve.
- Par la vertu de ma plume de corbeau, dit alors le soldat en sortant de sa poche la plume de corbeau.
Il devint corbeau et il put rattraper le pigeon. Alors il l'éventra, prit l'oeuf et descendit au sol pour se faire à nouveau homme.
Mais, de son château, le roi avait tout suivi. Il lui dit :
- Tu n'as pas froid aux yeux. Si tu veux, tu rsteras ici et tu épouseras une de mes filles.
- Non, roi, j'ai mieux ailleurs et j'y vais.
La jeune fille l'attendait avec impatience.
- Tenez, voilà l'oeuf qui fera mourir le Diable. Ce soir, pendant qu'il dormira, vous l'écraserez sur son front.
Le soir, lorsqu'il fut endormi, la jeune fille écrasa l'oeuf sur le front du Diable qui poussa un cri épouvantable et mourut sur l'heure.
Le soldat ramena la jeune fille chez ses parents et l'épousa quelques jours après.

Claude Seignolle, Contes, récits et légendes des pays de France