La pyrale, communément appelée "ver coquin", sévit depuis des siècles et fait le malheur des vignerons.
Les oeufs pondus par ce papillon dévorent les feuilles de vigne.
Entre 1825 et 1845, une attaque particulièrement calamiteuse dévaste le vignoble du Bedaujolais.
Prières publiques, exorcismes, processions, toutes les parades sont vaines.
Pas plus de résultat avec les fumigations au soufre, le piegeage nocturne des papillons et le ramassage des chenilles par les enfants...
Tout le vignoble semble ravagé par un incendie.
Seule subsiste, le long de la maison de Benoît Raclet à Romanèche, une minuscule oasis de verdure... très exactement située sous le goulot d'évacuation de l'évier de sa cuisine, où le hasard a voulu que pousse une treille...
Cet ancien percepteur retiré dans le domaine viticole beaujolais de son épouse est un observateur méthodique et entreprenant.
Il fait le rapprochement de cause à effet entre le jet biquotidien d'eau de vaisselle chaude et la bonne santé de sa treille.
Il tente une expérience d'échaudage dans une parcelle de vigne avec des moyens de fortune : chaudière à lessive pour chauffer l'eau, cafetière à long bec pour la verser.
Dans le pays, cela provoque les sarcasmes et les railleries.
Pourtant, en 1841, la vigne Raclet est resplendissante, son procédé innovant a triomphé de la pyrale.
Paralysé, ruiné, il meurt en 1844 au moment où sa découverte est enfin reconnue.
Une statue lui est élevée en 1864 à Romanèche.
Sur le socle du buste de Benoît Raclet on peut lire : "Célébrons l'eau bouillante et buvons le bon vin."