Le service des gardiens de phare est d'autant plus minutieusement réglé que ces derniers vivent totalement isolés et sans véritable contrôle de la terre pendant plusieurs mois. Sous la direction du gardien chef, le travail prioritaire est toujours le service du feu selon des horaires rigoureux avec une attention extrême à son allumage et à son entretien, l'approvisionnement de la lanterne en charbon et en bois puis, après 1782, la "mixtion des huiles" et la préparation et l'entretien des mèches et des lampes, tâches qui paraissent beaucoup plus prenantes.
Le rite de l'allumage du feu, de sa surveillance nocturne, avec les interminables montées à la lanterne, les quarts (jusqu'aux années 1980), rythment la vie à bord du vaisseau de pierre jusqu'à l'automatisation. Outre les harassants transports de combustibles jusqu'à la lanterne, la maintenance du matériel, de la "machine tournante" du XVIIIe siècle aux groupes électrogènes contemporains et l'entretien des bâtiments constituent la trame des tâches quotidiennes.
Les gardiens sont tout à la fois serruriers, menuisiers, maçons, horlogers et aujourd'hui mécaniciens, électriciens. Les coups de mer del'hiver nécessitent sans cesse des réparations urgentes sur les murs de la plate-forme : remplacement des "grappes de fer" attachant les pierres, "calfeutrer les joints", tâches constantes d'entretien qui se prolongent jsuqu'à aujourd'hui et sans lesquelles le phare se dégrade à chaque mauvaise saison. Le chef devient aussi le responsable administratif, tient un registre qui se normalise à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec pour chaque quart les heures d'allumage et d'extinction, les observations météorologiques, "vents qui ont régné", "état du ciel", "rapport à envoyer chaque mois à l'ingénieur" en 1823, tradition qui se perpétue jusqu'à aujourd'hui et constitue la mémoire quotidienne du phare de Cordouan. Les gardiens jouent enfin leur rôle de surveillants de l'estuaire et de garde-côtes lors des naufrages relativement fréquents sur l'ilôt de Cordouan. Secourir les naufragés dans des conditions souvent périlleuses, les héberger, récupérer les épaves, fait partie de leurs missions, avec à la clé l'image de "braves gardiens" héros modestes et dévoués.