Claude Monet, le père de l'Impressionnisme, et Edgar Degas se sont-ils tardivement convertis à la peinture abstraite ? "Non, affirme péremptoire Michael Marmot, professeur d'ophtalmologie au Centre médical de l'université de Stanford, aux Etats-Unis. Après avoir magnifiquement contribué à moderniser la peinture de leur temps, Monet et Degas n'avaient nullement l'intention de se rallier aux pionniers de l'art non figuratif. Souffrant l'un et l'autre de maladies des yeux à un âge avancé, leur touche s'était tout simplement épaissie jusqu'à devenir proche de l'abstraction." Selon le professeur, qui a recréé par ordinateur, grâce à un système de filtres, les images que captaient les deux peintres vers la fin de leur vie, la vision de Monet était altérée par une cataracte des deux yeux, et celle de Degas par une dégénérescence du nerf optique. Vers 1880, ce dernier dès lors incapable de distinguer détails, couleurs et contrastes, peignait de manière de plus en plus frustre. Quant à Monet, qui voyait flou, il surchargeait involontairement ses toiles de couleurs jaunes et sombres, qui débordaient largement le dessein initial. "Les contemporains des deux artistes avaient bien observé que leurs oeuvres avaient perdu en finesse, et que certaines formes étaient devenues à peine reconnaissables, mais ils n'avaient pas attribué cette étrange évolution à leur handicap", a conclus Marmor dans Les Archives de l'ophtalmologie.
Notons toutefois que Degas et Monet, devenus malades et maladroits, ont encouragé à leur insu les jeunes peintres du début du XXe siècle à persévérer dans l'art abstrait. En dépit du tollé que soulevait encore à l'époque cette nouvelle expression.