Qui a dit que nos compatriotes ignorent tout de la géographie ? En 1955, en proie à une crise ouverte avec le Maroc, la France est contrainte de déposer Ben Arafa, le sultan fantoche qu'elle a nommé en remplacement du roi Mohamed V, exilé par ses soins à Madagascar. Des pourparlers s'engagent entre les deux parties pour trouver une solution au conflit qui a déjà fait des centaines de victimes, du nord au sud du Protectorat. Antoine Pinay, ministre français des Affaires étrangères, négocie âprement le retour du souverain chérifien. Pour sauver la face et rétablir la paix, il consent à des concessions importantes mais se montre inflexible sur un point : il ne signera aucun compromis si le bail emphytéotique assurant à la marine française la libre disposition de la base de Bizerte n'est pas reconduit. Les Maro cains tergiversent, font monter les enchères, obtiennent des avantages dont ils n'avaient pas rêvé, puis acceptent finalement cette clause au nom du pragmatisme diplomatique. Mohammed V rentrera au Maroc mais, en contrepartie, la France conservera pendant 99 ans sa base miliotaire de l'autre côté de la Méditerranée.
Pour ne pas froisser la susceptibilité de leur ministre, les négociateurs français n'avaient pas osé l'informer que, comme le savent la plupart des écoliers, le port de Bizerte se trouve en Tunisie, à 3 000 kilomètres des côtesz marocaines. Et qu'à cause de cette bévue, ils avaient dû signer un traité désavantageux pour la République.