Un matin, le renard passait par un bois de pins : il était affamé et cherchait son déjeuner. Tout à coup, il aperçut au sommet des pins un écureuil qui sautait de branche en branche.
- Adieu, écureuil.
- Adieu Renard
- Eh ! Tu es bien guilleret, ce matin, dit le renard, et tu fais de jolis sauts ! Je voudrais bien être capable de courir et de grimper comme tu le fais.
- C'est vrai ! Je ne suis pas trop maladroit ! dit l'écureuil.
- Oui ! Tu es très leste ! dit le renard. Mais tu ne sautes tout de même pas aussi bien que ton père. Lui, il aurait sauté de cette branche-ci à celle-là.
Et le renard montrait deux branches à l'écureuil.
- S'il l'a fait, lui, répondit l'autre, je le ferai, moi !
Et il prit son élan et sauta.
- Ce n'est pas mal, non, dit le renard, mais ton grand-père faisait mieux. Celui-là savait sauter ! Une fois, je l'ai vu sauter d'où tu es jusqu'à cette branche là-bas.
Et il lui montrait deux branches encore plus éloignées que les deux précédentes.
- Beau travail, oui ! fit l'écureuil. Je le fais moi aussi.
Et il prit son élan et sauta encore.
- Oui ! Mais le père de ton grand-père, ton bisaïeul, que j'ai connu lui aussi, était un sauteur de première force, dit le renard. Lui, il était capable de sauter de cette branche jusqu'à cette autre, là-bas.
Et le renard montra à l'écureuil un autre pin, un peu plus loin.
- Je le ferai bien moi aussi ! fit l'écureuil.
Il s'élança, mais il manqua son saut, et patatras ! il tomba à terre, entre les pattes du renard.
- Ah ! dit le renard, ce n'est pas trop tôt que je te tienne. J'avais bien faim, et je vais te manger.
- Oh ! dit l'écureuil, tu ne me feras pas mourir ainsi, sans absolution, et sans me laisser dire un bout de prière ... Rien que le Pater ...
- Le Pater, oui, mais fais vite, dit le renard. Je meurs de faim.
- Lâche-moi au moins un peu, fit alors le malin écureuil, que je puisse faire le signe de la croix.
Le renard lâcha un peu la patte de l'écureuil. En même temps, prrrt ! celui-ci, qui n'attendait que cela, lui échappa et grimpa sur un pin.
- Hep ! Hep ! Et l'absolution s'écria le renard, tout attrapé.
- Je te la laisse pour déjeuner !
Croisi-croisé,
Mon conte achevé.
Félix ARNAUDIN, Contes populaires de la Grande-Lande, 1966-1967
Conté vers 1885 par Henri VIDAL, dit Menicot, résinier, âgé de 26 ans, né à Trensacq et résidant à Labouheyre.