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 La "Panard"

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Joa
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Joa


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MessageSujet: La "Panard"   La "Panard" EmptyLun 7 Avr - 0:07

Cette "Panard", Gustave l'avait achetée pour le plaisir en la prenant par petits morceaux, d'abord dans la poche de ses fournisseurs à qui il avait offert moins que d'habitude, ensuite, dans celle de ses clients, à qui il avait demandé plus que de coutume, car, grâce à une rustrerie de mots, c'était un maquignon pire que les autres. Maquignon et maquilleur de mauvaises santés ovines et bovines, découvrant des maladies où il ne s'en trouvait point et démontrant la santé où elle faisait défaut.
Gustave, vous le reconnaissiez de dos et du bas;, rien qu'à voir son derrière qui saillait sous sa biaude étriquée, lui pourtant sec comme un fagot et de nature sans fesses, mais gros tantôt de l'une, tantôt de deux qu'y faisaient les billets de banque. Proches de son épais pantalon de velours noir lui permettant un peu de chair sur les jambes, et coffre-fort de son capital qui n'en sortait que pour le temps de se transformer en viande sur pieds et, vite, revenir en fesses, mais plus épaisses de quelques centimètres.
A ce sujet, vous jugerez peut-être que c'est du risque de porter un tel derrière, plus attirant que celui d'une femelle, d'autant que les mains n'aiment pas qu'à pincer : il leur arrive de vouloir attraper... surtout ce plaisir bien plus appétissant que donnent les liasses de ce genre de papier en couleur. Seulement, Gustave ayant un regard en forme de trique à clous et des poings durs à corne au bout de bras vifs comme des fouets, aucun scélérat ne se serait risqué à lui faire fesse plate. D'ailleurs, comme pantalons, et Gustave ne faisaient qu'un à coucher ensemble, il est certain que, même le bonhomme endormi, l'ouverture de la poche aux sous aurait d'elle-même mordu la main voleuse...

Passé Saint-Paul, il se trouva en pays neuf où la surprise de celui qu'on ne ait pas qui il est allait jouer en sa faveur, d'autant que Gustave savait comment serrer la chance à pleins bras. Il l'empoignait si bien qu'elle était obligée de se laisser tondre jusu'au dernier sourire, alors que si le contraire s'était passé, il y a jolie lurette que la mignonne aurait écarté les bras pour le laisser dégringoler dans le premier puits venu. De fait, si la chance pense comme nous pensons, elle ne devrait guère aimer ce genre de grattesous !
Preuve qu'il la tenait bien, dès le premier hameau on lui indiqua une ferme en état de malheur où le prère venait juste de mourir, la mère ne s'occupant plus qu'à pleurer parce qu'elle n'avait personne pour lui dire comment mener dorénavant le travail.
Gustave arriva en sauveur et prit se aises avec cette femme qui avait la tête noyée dans les soucis nouveaux. Et, parce qu'il fallait payer l'enterrement, caisse et curé, mais comme elle n'avait pas encore trouvé où son défunt, avare, cachait le bas de laine aux jaunets, elle lui vendit le poulain et lui promit les deux veaux pour la semaine d'après si, toutefois, elle ne dénichait pas auparavant le magot conjugal.
Marché conclu, je te passe mes papiers colorés qui sont comme de l'or, tu me donnes ton poulain qui ne vaut pas les quare fers qu'il faudra bien lui mettre un jour, ce qui te fait faire une économie, et, par-dessus le marché, je fournis la longe... D'accord, tope et tope, je reviendrai comme convenu puisque tu me le demandes !
Et revoilà Gustave au volant de sa Panard, poulain attaché derrière avec assez de corde pour ne pas l'étrangler, animal et machine tout de suite is au pas, lui hâteux de s'en revenir pour gagner de quoi couvrir la dépense de liquide à étincelles - et un petit peu beaucoup en plus !
Le poulain trottait sainement et, chaqe fois que Gustave dépassait ou cassait la cadence, il ne se laissait pas avoir par la corde, allant même de bon coeur d'un petit galop fringant malgré les gaz d'échappemet qui lui vaporisaient et lui piquaient les naseaux.
Très vite, la poussière de la route revêtit sa robe jais d'une autre, plus épaisse, de moinillon blanc et, ma foi, son caractère heureux allait bien dans l'ensemble...

Gustave, lui, tout en appuyant sur l'accélérateur avec sa galoche paresseuse, se sentait roi de lui-même. Au diable ses cors, oignons et cloques aux pieds dont les douleurs contrariaient si souvent sa joie de l'argent gagné.
Il avait ainsi roulé une petite lieue lorsqu'il dépassa quelqu'un qui lui cria son nom de façon si contente qu'il se retourna.
C'était Léon, celui avec qui il s'entraidait souvent à tâter une fiole de marc à l'auberge du bourg et qui n'avait pas son pareil pour lâcher la gaudriole, même que, de lui voir simplement bouger les lèvres pour en raconter une, on riait d'avance de bon coeur, vu que ses yeux disaient déjà l'histoire qu'on savait depuis longtemps.
Gustave s'arrêta si court que le pauvre poulain, qui ne connaissait pas Léon et ignorait que Gustave ne le laissrerait pas aller seul à pied, vint flanquer un coup de crâne au cul de la Panard, s'y assommant, enfonçant la ridelle de tôle.
Furieux comme s'il avait voulument lui démolir son automobile, Gustave se précipita et flanqua une galochade au bestiau qui pesait de la tête et ne savait pas s'il allait s'écrouler ou rester debout. Et, oubliant Léon qui s'était fait absent pour ne pas retourner le mauvais vent contre lui, il trouva une pierre et débossela le dégât pendant qu'il était encore chaud. Enfin, il remonta dans son engin à moteur et secoua Léon sur un ton de malhumeur.
- Alors, té viens-t-y donc ?
Léon hésita. Il aimait mieux continuer à pied dans le gazouillement des oiseaux que de recevoir plein sur lui les aigreurs de celui-là.
- Viens donc, puisque j'y suis !
Et Gustave s'énerva de telle façon que Léon trouva préférable d'obtempérer que de s'entendre moudre de reproches pendant plusieurs jours.
- Bon, mais c'est pour pas qu'té m"fâches !
Et il monta à côté de Gustave, se rendant léger comme un demi-poil de belette pour ne pas faire craquer le marchepied, des fois que l'autre croirait que, lui aussi, voulait du mal à sa Panard.
Dès le premier bond d'embrayage qui fit lâcher un rot de surprise au poulain à peine remis de son émotion, Léon fut bien obligé d'empoigner la portière d'une main, courant le risque de l'arracher et de crocher l'autre sur la cuisse de Gustave qui la retira vivement de là, tellement il serrait l'os à le craquer.
Aussi, pour tranquiliser son passager, se radoucit-il et lui demanda-t-il d'en dire une bien bonne. Et Léon, rassuré, élevant la voix pour cacher les bruits du moteur et des bidons tout autant bavards, y alla d'une qui revenait si souvent avec succès dans son répertoire que ne pas commencer par celle-là dans les circonstances du moment eût été une maladresse.

De temps à autre,entre deux rigolades, Gustave questionnait Léon :
- Y suit-y, Léon ?
Léon regardait derrière d'un oeil en coin par l'étroite lunette de mica et répondait :
- Ouais, y suit.
Et de verser son jus de bonne humeur dans le gosier de Gustave qui, à défaut d'alcool, se saoûlait avec du rire.
- Y suit-y toujours ?
- Ouais, y suit.
Et vas-y que je te noue le boyau de la rigolade et que je te tire dessus et que je te plie en deux à t'en faire embrasser le volant !
- Y suit-y ?
- Y suit.
Mais, depuis longtemps, Léon ne se donnait plus la peine de regarder le poulain. A présent, il avait confiance. La Panard n'était pas sournoise comme ces attelages à pattes qui s'emballent d'une piqûre de guêpe et vous chavirent dans le fossé. Pour calmer et arrêter celui-ci qui, pourtant, avançait saprement plus vite, il suffisait de pousser du bout du pied sur une pédale qui ne se rebiffait pas et vous arrêtait juste où on voulait.
- Dis Léon, t'es lourd, ça tire... t'as dû manger du boudin ?
- Si c'est du boudin, alors t'es mon cousin !...
Et tous les deux de fondre en joyeusetés.
- Y suit ?
- Y suit.
Alors, autant pour payer son écot de voyageur que pour souligner son rassurement, Léon fit un compliment.
- Y'a pas, c'est tout d'même avantageux, ce transport, mais ça a dû t'coûter !
Et il eut un clin d'oeil à double tranchant, vif à surprendre et couper en deux une mouche entre ses paupières.
- Ouais, ça co^te, hésita Gustave, mais ça rapporte d'autant puisque ça va plus vite.
- Ouais, ouais, mais dis-mé combien le tout, avec la vapeur dedans ?
Et Gustave de dire sans bien dire exactement un prix élastique pouvant être tiré de tous les côtés sans qu'il puisse lui nuire. Il connaissait Léon, bavard de tout et médisant malgré lui par la faute des abus qu'il faisait de l'eau de vipère, bocal toujours plein de marc où on en voyait une à tremper dedans, spécialité de l'auberge à Eugène, face de la halte du département où, d'ailleurs, ils arrivaient, poussièreux comme des carriers après une explosion de mine.

La Panard s'arrêta après deux ou trois hoquets. Léon sauta le premier à terre, et se tapa dessus partout pour faire propre.
- Comment est-y ? demanda Gustave, pendant qu'il s'escrimait à coincer le manche du frein à main qui ne trouvait plus son cran de sûreté.
Léon alla voir derrière et en revint, une nausée dans le coeur, mais, plus forte, la gouaille aux lèvres.
- Qu'est-ce que t'as, Léon ?
- Bah, t'avais raison, avec ta Panard, tes affaires vont aller rondement et encore plus vite qu'té crois !
- Pourquoi té dis ça ?
- Bah, ton poulain, l'est déjà passé chez l'boucher !
Et, descendant, Gustave vit à son tour cette horrible carcasse sanglante, écorchée jusqu'aux os, terreuse, vidée de ses tripe restées attachées au ventre crevé, et traînant leur guirlande d'intestins sur plus de trois mètres derrière le charnier ambulant du poulain, le cou solidement garotté à la Panard comme à une potence...

Claude Seignolle, Contes, récits et légende des pays de France.
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http://site.voila.fr/chezjoa
 
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