La ville de Beuvry, dans le Pas-de-Calais, possédait, dit-on, en des temps très anciens, un château. Mais s'il se dressait tout près de la cité, il restait une énigme pour ses habitants. Protéger par ses hautes murailles et ses larges douves, il avait tout d'une forteresse. Son pont-levis était presque toujours relevé et, les rares fois où il s'abaissait, il était gardé par des soldats parlant une langue inconnue.
Personne n'y était jamais entré et aucun de ses occupants n'en était sorti. Pourtant, ils étaient nombreux à l'intérieur : on entendait tout au long de l'année leurs éclats de voix.
Pour tous, il était certain que le châtelain était le diable lui-même, d'autant que, chaque veillée de Noël, les bruits qui s'échappaient du château se faisaient plus inquiétants encore. On entendait jusqu'à l'aube des cris et des pleurs désespérés, mêlés à des rires frénétiques. Quelle orgie, quelle fête sauvage et démoniaque s'y déroulait alors ? Nul ne le savait. Un Noël, pourtant, les cris et les rires furent plus perçants et plus éclatants que les autres fois et, au matin, lorsque les habitants se rendirent en tremblant en direction du château, ils constatèrent, à leur stupéfaction, qu'il avait disparu. Il n'y avait plus à sa place qu'une modeste fontaine, dans laquelle il semblait s'être englouti, avec tous ses occupants. Ils l'appelèrent la "Fontaine hideuse" et se fut la fin de leur cauchemar. Le plus étonnant est que la légende a traversé les siècles et qu'aujourd'hui encore, il existe à Beuvry une rue de la Fontaine-Hideuse.