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 Sainte Colombe et le prêtre

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Joa
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Joa


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MessageSujet: Sainte Colombe et le prêtre   Sainte Colombe et le prêtre EmptyJeu 5 Mar - 1:13

(cette légende se situe dans la région de la Hague et du Val-de-Seine)

La caverne ou plutôt le trou de Sainte-Colombe s'ouvre au milieu d'une rangée de falaises assez élevées, près d'un affaissement de terrain par où descend à la mer un ruisseau encombré de plantes fluviatiles : joncs, salicaires aux longs thyrses de fleurs roses, eupatoires aux ombelles lilas, iris aux fleurs jaunes, menthe odorante, cresson, etc., surgissant pêle-mêle au milieu des cailloux, qui traverse un vallon étroit et pittoresque. Le rocher sous lequel se trouve la caverne est de grès quartzeux et se termine par une élévation dénudée, semée de cavités où l'on a vu s'abriter longtemps une famille de corbeaux que l'on disait séculaires. Cette élévation s'appelle : La Roche du Câtet. Ce mot Câtet, Castel, semblerait indiquer un camp romain. Il n'y a jamais eu lù de camp, mais le rocher a pu être utilisé comme fortification.
En bas, la falaise descend à pic. Le trou de Sainte-Colombe forme une fente assez étroite, où peuvent passer tout au plus deux homems de front. Les flancs sont en partie couverts de limon vert, onctueux au toucher, en partie nus, et, dans ce cas, parsemés de petits coquillages adhérents : balanites et patelles maigres. Un peu plus loin le passage s'élargit et se prolonge, mais on n'y peut pénétrer qu'en rampant, à cause des galets que la mer y a accumulés et ne cesse d'y accumuler, et désagréablement importuné par une multitude de lourds insectes aquatiques qui vous sautent au visage. le trou de Sainte-Colombe n'est visible que lorsqu'on est tout près, il est inaccessible à haute mer.

Voici maintenant la légende qui s'y rattache :
A une époque très ancienne, très ancienne, il y avait à Gréville une jolie fille qui s'appelait Colombe. Quand on dansait sous la couronne autour du feu Saint-Jean, c'était à qui des garçons lui donnerait la main ; quand elle entrait dans l'église, on n'avait d'yeux que pour elle ; quand elle allait traire dans les clos, le soir, c'était à qui lui offrirait de porter sa cruche rebondie, de cuivre luisant, remplie de lait. Mais elle n'acceptait de service de personne. D'un mouvement leste, elle chargeait elle-même sa lourde cruche sur son épaule, après avoir mis dessous un peu de fougère, et la maintenait en équilibre à l'aide d'une forte lisière qu'elle tendait de la main droite allongée et élevée à la hauteur de la tête, et elle s'avançait ainsi cambrée et campée fièrement au milieu de ses adorateurs, qu'elle ne voulait même pas regarder, quoiqu'elle fût avenante avec tous.
Colombe ne se contentait pas d'être belle, elle était savante, c'est ce qui la perdit. Un proverbe de la Hague prétend que :
Prêtre qui danche (danse),
Poule qui chante.
Fille qui sait l'latin,
Font mauvaise fin.

On ne dit pas que Colombe sût le latin, mais elle savait lire et écrire et elle aimait les livres que le curé lui rêtait. Ce curé était un jeune homme d'une belle prestance, qui "prêchait comme un saint et chantait comme un ange". Colombe allait souvent au presbytère chercher des livres. D'abord elle n'y restait pas longtemps, mais peu à peu elle s'habitua à y aller plus souvent et à faire des visites plus longues. le curé avait un joli jardin avec d'excellents fruits, des pêches superbes, des figues délicieuses ; il donnait à Colombe de gros bouquets de roses à cent feuilles dont elle embaumait sa chambre. On parlait bien un peu dans le pays de ces visites fréquentes, mais Colombe était si modeste, si pieuse, si bonne pour tous, les amoureux exceptés, qu'on n'osait pas l'accuser tout haut. On ne l'accusait même pas tout bas.

Mais voilà qu'un jour Colombe disparaît. Vous jugez si elle pouvait disparaître sans qu'on s'en aperçût ! On se rappela toutefois qu'on l'avait vue entrer au presbytère ; personne ne l'en avait vue sortir. Un petit garçon assura même qu'il avait aperçu Colombe assise auprès du curé sur un banc du jardin. Le curé parlait avec beaucoup de vivacité, Colombe l'écoutait en silence, et les yeux baissés. Les murs du jardin étaient très hauts et couverts d'espaliers, de sorte qu'il était impossible de voir ce qui se passait derrière les murs. Mais il y avait dans le voisinage un grand peuplier ; et au haut du peuplier, un nid de pies. C'est en allant dénicher ce nid que le petit garçon prétendait avoir vu le curé et Colombe.
Il se passa ainsi près d'une semaine. A la fin, quelques jeunes gens se décidèrent à aller trouver le curé pour lui demander s'il ne savait pas ce qe Colombe était devenue. La vieille servante parut quelque peu troublée, le curé le fut davantage, mais au lieu de répondre directement à la question, l'un et l'autre se contentèrent de dire que Colombe était venue en effet la semaine précédente, mais qu'à ce moment elle ne se trouvat plus au presbytère. On engagea même les jeunes gens à visiter la maison pour en avoir la preuve. Ils profitèrent de la permission en s'excusant, et s'assurèrent que Colombe n'était positivement pas dans la maison.
Le petit dénicheur de nids ne s'était cependant pas tompé. Colombe était bien venue au presbytère, et elle s'était promenée dans le jardin avec le prêtre, mais quoiqu'on ne l'eût pas trouvée, ceux qui prétendaient qu'elle n'était pas sortie par la porte ne s'étaient pas trompés non plus.
Que s'était-il passé au juste entre le prêtre et Colombe ? On ne l'a jamais bien su : les deux personnages ayant toujours gardé le secret. Ce qu'il y a de certain, c'est que le prêtre était réellement amoureux de la jeune fille, et qu'éprouvant de la résistance, bien que Colombe l'aimât peut-être au fond de l'âme, il l'avait retenue contre sa volonté. Un soir, la servante l'avoua plus tard, elle avait tenté de s'échapper par la porte ; tus deux l'en avaient empêchée, et, de désespoir, elle était allée s'enfermer dans la chambre qu'on lui avait donnée et avait poussé le verrou.
Colombe, décidée à s'échapper, et voyant qu'elle ne le pouvait fair par les fenêtres sans provoquer un scandale, qu'elle voulait éviter à tout prix, s'était mise à sonder les murs. Il y avait dans une des parois une sorte de porte dissimulée qui attira son attention ; elle frappa, cela sonnait creux. Il y avait dans un coin une petite hachette qui avait servi à fendre les éclats de bois pour allumer du feu dans la cheminée ; elle s'en saisit et travailla si bien qu'elle finit par ouvrir cette porte mystérieuse. Une bouffée d'air froid et humide lui prouva qu'il ne s'agissait pas d'une simple cachette, mais qu'il y avait là tout au moins une cave. Elle aperçut, en effet, un escalier dont les marches, chargées de poussière humide, n'avaient pas été foulées depuis longtemps : elle les descendit, une chandelle à la main. En bas de l'escalier, il y avait bien une cave en effet, une cave dont on ne se servait plus, mais, derrière une pote à demi ruinée, on entendait comme des mugissements lointains. On eût dit la mer s'engouffrant dans les fentes d'une falaise. Cependant de l'église de Gréville à la mer, il n'y a guère moins d'une demi-lieue. Comment supposer qu'on pût entendre la mer de si loin ?

Pendant que la jeune fille se tenait là étonnée, hésitante, elle entendit qu'on cherchait tout doucement à forcer la porte de la chambre où elle s'était renfermée. Elle prit brisquement sa résolution. Elle était bien décidée à ne pas revoir le prêtre. Il allait entrer cependant, car la porte ne pouvait offrir une longue résistance. Elle remonte l'escalier qu'elle a parcouru, referme la porte secrète, redescend et franchit les débris de la vieille porte qui fermait si mal l'entrée de la cave du côté où l'on entendait de sourds mugissements.
Elle reconnut bientôt que ce souterrain se prolongeait fort loin. Elle s'y engagea en abritant de temsp en temps sa chandelle de la main pour la protéger contre un courant d'air qui devenait plus vif par rafales. La voûte était rocailleuse et suintante, c'était une voûte naturelle et non travaillée de main d'homme. Au début, elle marcha sur un terrain humide et glissant, mais elle parvint bientôt à un lieu où le sol était de roche dure, comme les parois et la voûte. A un certain moment, elle vit le chemin se rétrécir et se dit avec terreur qu'elle s'était peut-être engagée dans une impasse. Elle ne tarda pas à reconnaître qu'elle s'était trompée : il y avait un passage, seulement il était tellement bas et étroit qu'il lui fallut ramper. Ce qui l'encouragea à avancer, ce fut une lueur qu'elle aperçut au fond. La caverne avait donc une issue, mais elle pouvait offrir des rétrécissements qu'il serait impossible de franchir. L'espace se resserrait rapidement, il lui fallut ramper encore une fois ; au moment où la caverne s'élargit, elle sentit l'air vif et reconnut que la mer - car c'était bien elle qu'elle avait entendue - n'était plus qu'à une faible distance.

Dans le dernier passage, ce qui lui rstait encore de chandelle s'éteignit, mais elle n'en avait plus besoin : le jour apparaissait en une ligne blanche, encore obscurcie par la nuit qui s'effaçait. La galerie souterraine dans laquelle elle se trouvait s'ouvrait sur la Manche et n'était autre que cette caverne située sous le Catêt dont nous avons parlé en commençant. Colombe la connaissait bien, elle s'y était arrêtée nombre de fois à pêcher des crevettes et de coquillages. On lui avait dit souvent que cette grotte s'avançait jusque sous l'église ; qu'un coq, qu'on y avait lâché une fois, avait été entendu à quelques jours de là chantant sous l'église ; elle n'en avait voulu rien croire. Elle venait de s'assurer que le bruit public ne l'avait pas tompée.
Son premier mouvement fut de se jeter à genoux pour rendre grâce à Dieu de l'avoir délivrée et de lui avoir donné assez de force pour accomplir son évasion jusqu'au bout. Cette effusion du coeur lui rendit ses forces, elle répara quelque peu le désordre de ses vêtements. La mer était basse, elle n'eut pas de peine à gagner la vallée du Câtet, d'où elle se dirigea chez ses parents.
N'avait-elle rien laissé de son innocence derrière elle ? L'évènement prouve qu'elle ne s'absolvait pas. Elle raconta à ses parents qu'elle sortait de la caverne du Câtet. Mais ses souvenirs semblaient très confus. On supposa qu'elle avait roulé de la falaise à l'entrée de la grotte ; que là elle s'était évanouie, et était restée longtemps en cet état. Elle laissa tout croire, ne voulant ni compromettre le curé ni faire un mensonge.
Elle reprit ses occupations habituelles, mais sa gaieté l'avait abandonnée, elle ne parlait plus, et ne répondait que par monosyllabes. La provision du pain de ménage étant épuisée, elle se chargeau de la renouveler, et elle se rendit à la boulangerie qui dépendait de la maison. Quelques personnes la virent et lui parlèrent pendant qu'elle chauffait le four avec de la fougère et des ajoncs. Plus tard, en passant apr là, on vit que le four était fermé. On pensa que Colombes s'était éloignée après avoir mis sa pâte au four et l'on n'y ensa plus. Lorsque l'heure fut venue de retirer le pain, comme on ne voyait pas Colombe, on se rendit à la boulangerie. On reconnut alors que le four n'avait aps été fermé avec de la terre glaise par-dehors, suivant l'habitude, mais que cette terre glaise était en dedans. on détacha la pierre, et au lieu du pain qu'on espérait trouver dans le four, on en vit sortir une colombe blanche qui s'envola par la porte et disparut.

Colombe, pour expier sa faute, s'était imposée la énitence d'entrer toute vivante dans un four chaud, et Dieu, pour montrer qu'il lui pardonnait, l'avait changée en l'oiseau dont elle portait le nom.
Le curé avait appris le retour de Colombe dans sa famille, mais il n'avait osé se montrer chez elle ni se trouver sur son chemin. Il n'en recueillait pas moins avidement ce qui la concernait.Quand on vint lui rapporter la métamorphose de Colombe en oiseau, il poussa un cri :
- Colombe est sauvée, dit-il, et moi, je suis perdu.
Et il alla se pendre de désespoir dans un enclos qui est tout près du presbytère.
Cet enclos, qui se trouve entre le jardin du curé et celui qui dépend de l'école communale, récemment construite, est considéré comme maudit. On le laisse en friche, et l'on a aps voulu l'adjoindre au jardin de l'instituteur, dont il est séparé par un mur de deux mètres.
On peut voir encore aujourd'hui la statue de sainte Colombe dans l'église de Gréville, assez bizarrement associée à des statuettes modernes d'un goût douteux, qui semblent singulièrement dépaysées dans le vieil édifice roman. le prénom de Colombe ou Coulombe était autrefois commun, dans la paroisse. Il est tombé en désuétude avec la tradition qu'il rappelait.

Jean Fleury, Contes, récits et légendes des pays de France
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http://site.voila.fr/chezjoa
 
Sainte Colombe et le prêtre
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