La vie quotidienne dans les abbayes cisterciennes

On peut s'imaginer ce que pouvait être la vie quotidienne des religieux dans leurs abbayes perdues au milieu des bois, landes et friches. Un immense travail de construction et de mise en valeur des terres incultes a, sans aucun doute, été entrepris au XIIe siècle. A la pointe du jour, les moines devaient s'en aller aux champs ou dans les forêts, en silence, la bêche sur l'épaule, le scapulaire flottant au vent, le capuchon noirâtre rabattu sur la tête tonsurée et e plus souvent sur une barbe de plusieurs semaines. En effet, au XIIe siècle, on se rasait réciproquement dans le cloître à l'eau chaude, sept fois par an ; dès 1257, les moines douze fois, les convers sept fois ; à partir de 1293, tous les quinze jours.
Au lieu de vivre exclusivement de dîmes et de dons comme la plupart des moines depuis plusieurs siècles, les cisterciens enendaient défricher et labourer la terre de leurs mains, aidés par des frères laïcs appelés "convers".
Alors que les moines étaient vêtus de "coules" blanchâtres, en laine écrue, de tuniques courtes avec capuces et manches assez larges, les convers portaient une tunique, souliers, guêtres, pélerine à capuchon, manteau, au besoin des fourrures grossières, des bottes et, pour les maçons et les charpentiers, des chemises noires ; chacun d'eux pouvait avoir trois tuniques de rechange.Même par des temps de grand froid, le moine cistercien ne disposait que de deux tuniques et de deux coules ou "cuculles" ; il n'utilisait jamais de fourrures. Le scapulaire était le vêtement de travail ; on le portait au-dessus de la tunique, un peu plus court que celle-ci, ouvert aux côtés et pourvu d'un capuce qui protégeait la tête. A partir de 1271, le moine pouvait porter des coules brunes ou grises pendant la nuit, en 1350, des coules noires, au réfectoire et à l'infirmerie. En fait, le cistercien rcherchait le "vêtement le plus vil possible" et voyait dans celui-ci, un symbole de la pureté intérieure.

Parallèlement au dur labeur, la prière occupait une place importante.
Da,s l'obscurité de la nuit d'hiver, les moines blancs, presque invisibles, sous l'écho des voûtes basses de l'église de l'abbaye, chantaient matines. Entre chaque chant, le profond silence n'était rompu que par le murmure de la prière. Cette psalmodie remplissait l'église comme un bourdonnement impressionnant où l'encens largement propagé envahissait l'atmosphère. A l'opposé du grand spectacle de Cluny ou encore de Fontevraud, tout ici était rigueur et simplicité. Les sculptures, les fresques étaient évitées. Point de multiples lumières, mais seulement une chandelle allumée sur le sanctuaire qui éclairait à peine l'autel couvert d'un simple lnge blanc. Une autre enfin, plantée sur une patte de fer, éclairait le lectionnaire ouvert sur un lutrin de bois ciré.
Les repas des moines comportaient généralement deux mets cuits, des légumes, du pain et du vin ou du cidre. Il n'y avait jamais de viande, plat luxueux considéré comme superflu. Les convers avaient le même repas.
Une "décadence" commencée au milieu du XVIe siècle a amené les réformes des feuillants et des trappistes (abbé de Rancé). En 1790, lors de la fermeture des couvents, il y avait encore deux cent vingt-huit monastères de l'ordre cistérien en France. Implantés essentiellement dans les zones rurales les plus reculées, les monastères cisterciens dynamisés par la personnalité de Saint-Bernard, fleurirent magnifiquement au XIIe siècle, en France te en Europe.