Il sera mort comme il a vécu. dans un anonymat absolu qui lui aura permis de traverser la vie sans aucune aspérité, querelle ou souci particulier. Aussi transparent qu'insipide, aussi ennuyeux que mortel, Jean-Marcel Chassemou n'a jamais fait parler de lui, sauf en ce jour de février 1957 ou il fit une vilaine allergie à sa troisième piqûre de TABDT, au 4e régiment de chasseurs beauceron basé à Bagnères-de-Bigorre.
Après cet incident exceptionnel qui marqua à jamais sa vie sans relief, en dehors du Massif central où il allait passer chaque année le week-end de la Toussaint, Jean-Marcel Chassemou entra aux PTT, à Libourne, dans le fameux service des enveloppes mal collées où il fit l'essentiel de sa carrière sans aucune promotion particulière, grâce à la vacuité absolue qui a fait de lui cet homme unique qu'on ne regrette pas.
Jusque dans ses derniers instants, Jean-Marcel Chassemou aura su faire preuve d'une banalité sans faille, puisqu'il s'est éteint sans le mondre râle, le lundi de la Saint-Raffarin, c'est-à-dire, un lundi de Pentecôte, le soir même où se disputait la finale de football de l'Euro, dont la France s'est talentueusement fait éliminer en vingt-troisième de finale par le Filkistan. Même son épouse, Gisèle, ne s'est aperçue de rien, et ce n'est qu'en lui demandant le matin s'il voulait de la brioche décongelée avec sa chicorée qu'elle s'st rendue compte que Jean-Marcel avait définitivement fini d'en demander.
Car Jean-Marcel Chassemou était ainsi. Majestueusement anodin, égocentriquement personne. Il devrait être inhumé dans la plus stricte intimité pour échapper une dernière fois à la notoriété. Mais on ne sait aps quand, ni où, selon les dernières volontés du défunt.
Jacques Maillot