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 Le conte de la fève

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Joa
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MessageSujet: Le conte de la fève   Le conte de la fève EmptyDim 24 Juin - 9:52

Il était une fois un pauvre homme qui s'appelait Jacquet. Il avait une femme qui s'appelait la Jacquette, et onze petits enfants - dont plusieurs jumeaux - et dont on a pas retenu les noms, si ce n'est qu'on les appelait les petits Jacquillou.
Jacquet avait semé une fève dans son petit courtil, et voilà que cette fève était devenue si haute, si haute, qu'on en voyait plus la tête et qu'elle devait avoir percé les nues.
Un hiver donc, que le froid était plus rigoureux qu'à l'accoutumée, que la neige couvrait la terre, que l'eau gelait autour de la margelle à mesure qu'on la tirait du vieux puits où elle pendait en chandelles de glace, que l'ouvrage manquait au-dehors, et qu'il n'y avait plus de pain dans la huche, Jacquet dit à sa femme :
- Me v'là ben empêché, par toute thielle (cette) neige thielle (cette) froédure, sans compter qu'ol est aneut (aujourd'hui) Jeudi d'avant Nau et que i'ai mis dans ma tête de feire réveillonner tous nos p'tits qui n'ayant ja vi sus la tabllie (table : les deux ll sont toujours mouillés) que dos pommes, dos noix, queuques (quelques) châtagnes et in pichet de mauveize piquiette i'ai boune envie d'monter dons ma fève, per vouére ousqu'o me minra (où ça me mènera).
- Tout ch'min méne terjous queuque (quelque) part, tâche seulement ben à ne pas te rompre les ous (os), qu'o décitt (que dit) la Jacquette.
Jacquet revêtit son habit de noce de droguet bleu barbeau, au grand ébahissement de sa femme et de ses petits et commença de monter dans sa fève : de branche en branche, de feuille en feuille, tant et si bien qu'il arriva à la porte du paradis : "Toc, toc."
- Qui est là ? dit saint Pierre.

Ol est moué, mon bon saint Piarre, qui vins vous trever trouver), rapport à la misère qui s'est t'abattue sus nous, pet thielle (cette) froédure.
- Te voilà une nappe, dit saint Pierre ; arrivé chez toi, tu n'auras qu'à la poser sur la table, et à dire : "Etends-toi nappe, étends-toi nappe", et la nappe s'étendra, et le couvert se trouvera mis, et la table sera garnie de sauces, de rôtis, de boudins, de dessert et de bon vin.
Jacquet n'en croyait pas ses oreilles. Il remercia le bon saint Pierre qui lui dit :
- Fais bien attention en redescendant, si tu t'arrêtes à l'auberge qui est à mi-chemin, de ne pas dire à la Rouquine ce que je viens de te révéler sur cette nappe.
- Ma grond foué damnée, i (je) vous z'ou promets, bon saint Piarre, dit Jacquet, et il commença de descendre : de branche en branche, de feuille en feuille. La nuit le prit comme il arrivait à l'auberge :
- Baillez-me à souper et à coucher, dit-il à la Rouquine, et serrez-mé ben thielle (cette) nappe dons voute cabinet ; surtout n'la pousei pas sus la tabllie et disez pas :"Etonds-té (étends-toi), nappe, étonds-té (étends-toi), nappe." La rouquine promit tout ce qu'il voulut ; mais, dès qu'elle entendit Jacquet ronfler, elle posa la nappe sur la table et dit : "Etends-toi, nappe, étends-toi, nappe." Et la nappe s'étendit, le couvert se trouva mis, et la table fut garnie de sauces, de rôtis, de boudins, de dessert et de bon vin.
La Rouquine replia bien vite la nappe et la serra tout au fond de son armoire.
Le lendemain matin, quand son voyageur fut prêt à partir, elle lui remit une autre nappe, toute pareille à celle du bon saint Pierre et le vit avec joie descendre de sa fève : de branche en branche, de feuille en feuille.
Arrivé chez lui, Jacquet dit à sa femme, tout ahurie de le voir revenir d'un voyage aussi extravagant :
- Femme, essuye (essuie) ben la tabllie (la table) et que toute la quenaille(enfants) se range tot autour.
Jacquet posa la nappe sur la table, et dit gravement : "Etonds-té (étends-toi), nappe, étonds-té (étends-toi), nappe."
Mais cette nappe ne bougeait pas plus que toutes les nappes qu'on avait mises jusque-là sur cette table. Il n'y comprenait rien ; la curiosité des enfants se changeait en déception, et la Jacquette avait un petit air qui ne revenait pas au Jacquet.
- Crérei-tu, per hasard, que l'grand saint Piarre est capabllie de m'avoér dit dos menteries ?

- I crérei putout que t'es un p'tit folliquet (à moitié fou), mon pauvre houme.
- Ol est pas tout ça, dit Jacquet, demain à la pointe do jou, i vas m'en aller demonder dos explications à saint Piarre.
Le lendemain, à la pointe du jour, il commença de monter dans sa fève : de branche en branche, de feuille en feuille, tant et si bien qu'il arriva à la porte du paradis : "Toc, toc."
- Qui est là ? dit saint-Pierre.
- Ol est moué, mon bon saint Piarre, qui vins vous trever (trouver), rapport à la misère, qui s'est t'abattue sus nous, per thielle (cette)froédure.
- Ne t'ais-je pas donné une nappe ? dit saint Pierre.
- Oueil ben oui bien), oueil ben (oui bien), bon saint Piarre, meis i'ai oyu bea la pouzei sus la tabllie (j'ai eu beau la poser sur la table) et dire : "Etonds-té (étends-toi), nappe, étonds-té (étends-toi), nappe", thielle (cette) nappe n'a ja v'lu bougei.
- Je vois ce que c'est : tu t'es arrêté à l'auberge et tu as remis ma nappe à la Rouquine, en lui disant ce que je t'avais bien recommandé de garder pour toi.
Jacquet baissa la tête, tout penaud.
- Cette fois, te voilà un âne. Arrivé chez toi, tu n'auras qu'à dire : "Fais, mon âne, fais, mon âne", et ton âne te fera des pièces de cent sous, plus que tu n'en as jamais vu dans toute ta vie. Surtout, si tu t'arrêtes à l'auberge, garde-toi de dire à la Rouquine ce que je viens de te confier sur cet âne.
- Ma grond foué damnée, i (je) vous promets, bon saint Piarre, dit Jacquet, et il commença de descendre de sa fève, de branche en branche, de feuille en feuille. La nuit le prit comme il arrivait à l'auberge.
- Baillez-mé à souper et à coucher, dit-il à la Rouquine et mettez-mé thiel (cet) âne dons voutre éthiurie ; meis surtout o n'faudra pas dire : "Fais, moun âne, fais, moun âne."
La Rouquine promit tout ce qu'il voulut, mais dès qu'elle en,tendit Jacquet ronfler, elle alla à l'écurie, s'approcha de l'âne et dit : "Fais, mon âne, fais, mon âne", et l'âne se mit à faire des pièces de cent sous qui lui semblèrent plus belles que celles qu'elle avait vues jusque-là.
Elle alla vite cacher l'âne dans une autre écurie et en amena un autre tout semblable à sa place.
Le lendemain matin, quand son voyageur fut prêt à partir, elle lui remit un âne tout pareil à celui du bon saint Pierre et le vit avec joie descendre de sa fève : de branche en branche, de feuille en feuille.

Les onze petits écarquillèrent les yeux quand ils virent débarquer cet âne.
- Ol est pas tout ça, dit Jacquet à sa femme, pendont qu'i vei ben gencer la plliace (balayer la terre battue de la maison), tu vas aller qu'ri ton pus bea drap de chanvre, thio thi (celui-ci) que ta grond-mère t'a filé par tes noces.
La Jacquette obéit et sortit le drap de l'armoire, tout en marmonant : "Tout thieu me sembllie cor pus extravagant que l'histoère de la nappe. Qu'étot qui va sortir de toutes thiès manigances ?"
Jacquet étendit ce beau drap blanc par terre, y amena l'âne, et dit pendant que les onze petits écarquillaient les yeux :
. Fais, moun âne, fais, moun âne.
L'âne se mit à braire et à faire toute autre chose que des pièces de cent sous.
Quelques uns des petits se mirent à rire, d'autres avaient envie de pleurer, et la Jacquette avait de plus en plus ce petit air qui ne revenait aps au Jacquet.
- Crérei-tu, par hasard, dit-il, que l'grond saint Piarre est cor capabllie de m'avoèr dit des menteries ?
- I crérei putout que t'es de mé en mé folliquet (à moitié fou).
- Ol est pas tout ça, dit Jacquet, demain, à la pointe do jou, i (je) vas m'en aller demonder dos explications à saint Piarre.
Le lendemain, à la pointe du jour, il commença de monter dans sa fève : de branche en branche, de feuille en feuille, tant et si bien qu'il arriva à la porte du paradis : "Toc, toc."
- Qui est là ? dit saint Pierre.
- Ol est moué, mon bon saint Piarre, qui vins vous trever (trouver), rapport à la misère qui s'est abattue sus nous, per thielle (cette) froédure.
- Ne t'ai-je pas donné un âne ? dit saint Pierre.
- Oueil ben (oui bien), bon saint Piarre, meis i'ai oyu bea l'i dire : "'Fais, moun âne, fais, moun âne", thiol âne m'a fait tout uate chose que dos pièces de cent sous.
- Je vois ce que c'est ; tu t'es arrêté à l'auberge, tu as remis l'âne à la Rouquine, en lui disant ce que je t'avais bien recommandé de garder pour toi. (Jacquet baissa la tête, tout penaud.) Cette fois, te voici une mailloche. Arrivé à l'auberge, tu sommeras la Rouquine de te rendre la nappe, l'âne et les pièces de cent sous qu'elle lui a fait faire. Comme elle refusera, tu poseras la mailloche sur la table et tu diras : "Tape, mailloche, tape, mailloche", jusqu'à ce que la Rouquine t'ait rendu ton bien.
- Marci, bon saint Piarre, dit Jacquet, et il commença de descendre de sa fève : de branche en branche, de feuille en feuille.

Il arriva à l'auberge où la Rouquine le reçut la goule enfarinée (dans l'attente du plaisir) se demandant quelle chose merveilleuse il pouvait bien lui apporter.
D'un air décidé qu'elle ne lui connaissait pas, Jacquet lui dit :
- Rendez-mé promptement ma nappe, moun âne et toutes les pièces de cent sous que vous l'i avez fait faire.
La Rouquine refusa.
Alors Jacquet posa la mailloche sur la table, et dit d'une voix forte : "Tape, mailloche, tape, mailloche."
Et voilà la mailloche de sauter sur la Rouquine, et de taper à droite, à gauche, en haut, en bas, sur la figure, sur les mains.
La Rouquine essaya bien de tenir bon ; mais, voyant qu'elle allait être réduite en bouillie, par cette mailloche enragée, elle fit acte de repentance forcée.
- Grâce, cria-t-elle, je vais vous rendre la nappe, l'âne, et les pièces de cent sous.
Jacquet redescendit de sa fève, chargé de son butin merveilleux. Une claire nuit de Noël rayonnait. Les cloches tintaient joyeusement. Il poussa la porte de sa chaumine, juste comme la vieille horloge sonnait les douze coups de minuit, l'heure du réveillon.
D'un air qui en imposa à la Jacquette, il posa la nappe sur la table nette et dit d'un ton sentencieux : "Etonds-té, nappe, étonds-té, nappe."
Et la nappe s'étendit et le couvert se trouva mis, et la table se couvrit d'un festin comme jamais la maisonnée n'en avait rêvé de pareil : le boudin, le cou farci, le pâté de foie gras, le confit d'oie, la dinde truffée, les gâteaux, le massepain, les vins le plus généreux, sans compter le champagne.
Lers onze petits sautèrent en l'air quand le bouchon partit.
Après le dessert, Jacquet alla chercher l'âne, et dit : "Fais, moun âne, fais, moun âne", et cette fois l'âne se mit à faire des pièces de cent sous, rondes et brillantes comme la pleine lune, que c'était à se croire chez le bon saint Pierre, en Paradis.

En m'en revenant, passant près d'un moulin, i (je) marchis sus la quouette (queue) d'une souris :
Trit, tri, tri,
Mon p'tit conte est dit.
(Tous les contes poitevins se terminaient ainsi.)

Francine Poitevin, Contes, récits et légendes des pays de France
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