Un soir d'hiver, les deux jeunes filles d'une ferme isolée allaient à Saint-Amand, le village voisin, pour participer à une veillée où de nombreux jeunes gens étaient également conviés.
Elles suivaient le sentier caillouteux et passaient à côté d'une roche lorsque, tout à coup, elles furent interpellées par un homme qui se cachait là.
- Où allez-vous donc ainsi, jolies filles ? leur demanda-t-il d'une voix fort engageante.
- Nous nous rendons à Saint-Amand, travailler, chanter et danser à une veillée.
- Voulez-vous m"emmener avec vous ? dit-il en s'approchant d'elles.
Au clair de lune, elles distinguèrent un jeune homme, beau, grand et si bien habillé qu'il ne pouvait s'agir que du fils de quelque seigneur de la région, en quête de polissonneries.
Devant le charme de l'inconnu, les jeunes filles acceptèrent et ne furent nullement surprises, une fois bras dessus-dessous avec lui, de se trouver rendus tous trois en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
La veillée battait son plein. Jeunes et vieux coupaient à longueur la paille de seigle afin de préparer la paillole pour plus tard. A ce travail, le bel inconnu, que toutes les filles se disputaient, fit l'admiration générale. Il allait si vite qu'on fut obligé de le tenir à l'écart afin que chacun eût un rien de besogne.
Certes, on travaillait mais, également, on riait. A minuit, on réveillonna et les vieux allèrent se coucher tandis que la jeunesse s'arrachait l'inconnu qui dansait à n'y pas croire.
Soudain, les parents qui étaient au lit le virent se diriger vers le fond du couloir sombre qui séparait leur chambre de la salle et, au spectacle qu'ils eurent, ils se frottèrent les yeux de stupeur. le beau garçon qui avait dû s'étrangler en chantant venait là pour tousser à sa guise ; seulement, à chaque quinte, de longues flammes sortaient de sa bouche et une odeur de soufre se répandait autour de lui.
Sans se faire remarquer, les vieux se levèrent et, sautant par la fenêtre, allèrent prévenir le curé. Celui-ci vint aussitôt, pénétra brusquement dans la salle et immobilisa le Diable d'une aspersion d'eau bénite qui le fit rugir de douleur.
Sommé de déguerpir, il exigea qu'on le ramenât à la roche où les jeunes filles, l'avaient trouvé. Tout le monde l'y conduisit en cortège et, arrivé là, il sauta dessus d'un seul bond :
- Vous m'avez eu, reconnut-il, je cherchais épouse, maintenant je dois partir... alors dites-moi comment vous voulez que je le fasse... en eau ? en vent ? ou en feu ?
Sagement, le curé choisit de le voir partir en vent.
- Attention, cria-t-il à ses ouailles, couchez-vous...
Son conseil fut bon. le Diable, en tournant comme une toupie, amena un vent de tempête si violent que, de nos jours, la roche tremble encore.
Claude Seignolle, Contes, récits et légendes des pays de France.
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