En Poitou, on les appelle les chins-grelins. A Jouhet, un cultivateur nommé Pierre Malet, mort en 1927, assurait avoir été dans sa jeunesse le témoin oculaire du fait suivant :
Un soir qu'il était à l'affût sur un arbre, dans les bois de la Chevetterie, il aperçut deux loups qui venaient dans sa direction. Il les laissa approcher, afin de bien viser. Il allait tirer, lorsqu'il entendit parler à voix humaine. L'in d'eux prenant une tabatière sous sa queue, offrit une prise à l'autre qui accepta, mais, en la remettant, il la laissa tomber à terre. Puis ils s'éloignèrent dans la direction de Jouhet, se donnant rendez-vous chez Chagnonnet. Une demi-heure après, notre chasseur vint à ce café avec un de ses amis. Deux hommes du village s'y trouvaient attablés que jamais on n'aurait soupçonnés d'être sorciers. Il offrit visiblement à son ami une prise dans la tabatière trouvée ua pied de l'arbre :
- Eh ! dis donc, c'est ma tabatière, s'écria l'un des deux hommes.
- Me diras-tu ce que tu faisais quand tu l'as perdue ? répliqua-t-il.
L'autre prit sa tabatière et sortit aussitôt avec son compagnon.
Le héros de l'histoire la raconta souvent à sa famille en jurant son authenticité, mais il ne voulut jamais érvéler les deux noms. Cependant, un homme du village étant mort quelques années après, on remarqua que tous les matins sa tombe était grattée comme par les pattes d'un loup, quelque soin qu'on eût de la recouvrir et l'on supposa que c'était l'un des deux chins-grelins que son compagnon venait visiter chaque nuit.
Dr Ellenberger, Contes, récits et légendes des Pays de France