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 Jean de l'Ours

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Joa
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MessageSujet: Jean de l'Ours   Jean de l'Ours EmptyVen 9 Juin - 22:47

On racontait jadis que les ours s'unissaient à des jeunes filles qu'ils avaient enlevées et en avaient des rejetons. Le conte de Jean de l'Ours, que l'on retrouve dans toutes les provinces françaises, est un témoignage de cette vieille croyance.

Il y avait une fois un homme et une femme mariés qui avaient une belle jeune fille. Ils habitaient tout près d'un bois où vivait un ours. Cet ours avait maintes fois remarqué la jeune fille en passant, et elle lui avait plu. Aussi, la méchante bête guettait toujours cette fille, et ne savait comment faire pour l'enlever.
Un jour qu'on avait fait la lessive, le jeune fille étendait le linge dehors ; tous les gens de la maison étaient allés au bourg, et l'ours l'épiait, caché derrière la haie. Quand la jeune fille s'approcha, la bête sortit du fourré, la saisit et l'emporta au fond de sa tanière. La pauvrette croyait sa dernière heure arrivée ! Mais elle eut beau crier et pleurer, il n'y avait personne pour l'entendre. La jeune fille avait grand-peur de la bête, mais l'ours faisait tout son possible pour la consoler, et lui donnait tout ce qu'il pensait pouvoir lui faire plaisir. Quand elle se vit traitée ainsi, la peur lui passa un peu : et si bien qu'elle eut un enfant de l'ours. Cet enfant était fort beau, mais velu de la tête aux pieds comme son père. L'ours apportait du dehors toutes les provisions nécessaires, et la femme ne sortait jamais dela caverne. Quand il partait, il fermait l'entrée avec une grosse pierre du poids de neuf quintaux.
Quand l'enfant eut dix ans, il était déjà fort et robuste comme son père ; un jour que l'ours était sorti, il s'approcha de la pierre et essaya de la remuer : il n'y parvint pas. Au bout de deux ans, un jour que l'ours était encore absent, son fils essaya de faire bouger la pierre ; d'un coup d'épaule il la renversa. Alors, il dit à sa mère :
- Maman, il ne faut plus rester ici, il nous faut retourner chez toi.
- Mais, mon fils, lui répondit la femme, si ton père l'ours nous rattrape, nous sommes morts ...
- Non, non, nous nous cacherons si bien que l'ours ne nous verra pas.

Et ils s'échappèrent tous deux. A force de marcher, et de marcher encore, ils arrivèrent chez les parents de la femme. Les vieux furent surpris de revoir cette fille disparue sans qu'ils eussent jamais su pourquoi ni comment. Et voici qu'elle revenait maintenant accompagnée de cet enfant velu de la tête aux pieds comme un ours des bois, mais qui se tenait droit comme un homme. Leur premier soin fut de faire baptiser le garçonnet qui avait déjà 12 ans. Son grand-père et sa grand-mère furent ses parrain et marraine.
Et l'enfant demeura chez eux pendant huit ans. Chaque jour, il devenait plus fort et plus robuste. On l'avait baptisé Jean mais, en souvenir de son père, tous l'appelaient Jean de l'Ours.
Au bout de huit ans, Jean de l'Ours déclara un jour qu'il s'ennuyait et qu'il voulait partir pour voir du pays. Son parrain lui donna quelques sous pour son voyage. Avant de se mettre en route, le jeune homme s'en alla chez le forgeron du bourg, et là il se fit une barre du poids de cent quintaux. Cela fait, il dit aux gens de sa famille :
- Maintenant, arrangez-vous comme vous pourrez. Moi, je m'en vais courir le monde.
Et il fit du chemin, et il fit du chemin ... Jean de l'Ours finit par rencontrer un berger qui filait à l'aide d'une meule de moulin, tout en gardant son troupeau.
- Bonjour, berger.
- Bonjour, garçon, Et où vas-tu ?
- Oh ! dit Jean de l'Ours, je suis parti de chez nous pour voir du pays. Veux-tu faire route avec moi ?
Ce berger tremblait à la vue de cette barre de fer de cent quintaux, bien que lui-même filât avec une meule de moulin.
- Et les brebis, dit le berger, que vais-je en faire ?
- Oh ! dit Jean de l'Ours, un camarade te les ramènera au bercail ...

- Eh bien, allons.
Et ils s'en allèrent tous deux ensemble, l'un avec sa barre, l'autre avec sa pierre.
- Tu es bien fort, mon ami. Tu as là un beau tour à filer (pour filer la laine de leurs moutons, les bergers landais n'utilisent pas la quenouille et le fuseau, dont l'usage est réservé aux femmes. Ils entortillent la laine brute autour de leur bras gauche, et la filent sur le tournét ( ou tourn), instrument formé de trois petits bâtonnets de brande en croix, suspendu à leur poignet droit.) ! dit Jean de l'Ours.
- Oh ! couci-couça, dit l'autre.
Mais il pensait : "Non, je ne suis pas aussi fort que toi !" Ils s'en allèrent loin, loin, loin, et ils rencontrèrent un vacher qui avait un bâton à treize noeuds du poids de quarante quintaux.
- Bonjour, vacher.
- Bonjour, garçons. Et où allez-vous donc ?
- Oh ! nous sommes partis en campagne. Veux-tu faire route avec nous ?
- Et les vaches, dit le vacher, qu'en ferais-je ?
- Oh ! dit Jean de l'Ours, chacune saura bien rentrer chez elle.
Et ces trois jeunes gens se mirent à cheminer ensemble.
- Tu es bien fort, garçon. Tu as un beau bâton ! dit Jean de l'Ours au vacher
- Oh ! couci-couça, fit l'autre.
Mais il pensait : "Pas si beau que le tien, non !" Ils s'en allèrent loin, loin, loin. A force de marcher ils arrivèrent devant une belle maison, à la tombée de la nuit. Ils demandèrent au maître s'il pouvait les loger et les faire travailler. Quand l'homme vit ces trois garçons si robustes, l'un avec sa barre de cent quintaux, le second avec sa meule de moulin, et l'autre avec son bâton aux treize noeuds, la peur le saisit, et il ne savait que faire ni que dire. Pourtant, il ne laissa rien paraître et il leur fit apprêter un bon souper ; puis ils commencèrent à parler de l'ouvrage.
- J'ai fait bâtir un château, dit le maître de la maison, où nul ne peut demeurer ; le démon y est et tue tous ceux qui s'y installent. Si vous voulez y travailler et remettre cette propriété dans l'état où elle était avant qu'on la laissât à l'abandon, la terre vous appartiendra.
Le lendemain matin, le monsieur les mena au château. Là, il y avait tout ce qu'il fallait pour boire et manger. Mais, comme ils étaient sur le point de partir tous trois travailler aux champs, Jean de l'Ours dit aux autres :
- Lequel d'entre nous va rester ici pour faire la cuisine, aujourd'hui ?
- Oh ! moi, je vais rester, dit le berger.
- Bon. Et quand ce sera l'heure du dîner, tu sonneras la petite cloche qui se trouve à côté de la porte.

Et les deux autres s'en allèrent travailler au-dehors. Le berger, aux environs de dix heures, mettait la soupe au feu, quand une vieille arriva dans la maison.
- Bonjour, mon garçon.
- Bonjour, vieille.
- Qui vous a commandé de faire la cuisine ici ?
- Personne, dit le berger.
- Eh bien, vous allez commencer par déguerpir !
- Si je veux !
Alors, la vieille sauta sur le berger ; et elle commença à frapper sur le dos de l'homme, si bien qu'elle ne lui laissait pas toucher terre ! Lui aurait bien voulu saisir sa meule, afin de broyer la vieille sur les carreaux comme qui moud le grain. Mais il n'en eut pas le loisir ; et la vieille le laissa là, étendu par terre, comme mort. Midi arriva ; les autres, n'entendant pas la petite cloche, rentrèrent au château. Ils demandèrent au berger :
- Pourquoi n'as-tu pas sonné ? Que t'est-il arrivé ?
- Oh ! rien.
- Mais ta soupe n'est pas cuite !
- Oh ! J'ai eu un peu mal à l'estomac ... je n'ai pas l'habitude : la fumée m'aveuglait ...
Pourtant, il se contint, et ils se mirent à table tous les trois. Le lendemain, ce fut au tour du vacher de garder la maison. Jean de l'Ours lui dit :
- Quand ce sera l'heure de dîner, tu tâcheras de sonner la petite cloche mieux que le berger.
- Oui, oui ! N'aie pas peur !
Les deux autres s'en allèrent travailler, et lui commença à faire le ménage. Sa soupe était déjà à demi cuite et son fricot bouillait quand la vieille arriva :
- Bonjour, mon garçon.
- Bonjour, vieille.
- Qui vous a commandé de faire la cuisine ici ?
- Personne, dit le vacher.
- Eh bien, vous allez commencer par déguerpir !
- Si je veux !
Alors, la vieille courut au bâton du vacher, et lui aussi ; et ils commencèrent à tirer chacun de son côté, tu l'auras et je l'aurai ! A la fin, le bâton resta entre les mains de la vieille qui se mit en devoir d'en faire rouler les treize noeuds sur l'échine du vacher : elle le laissa comme mort sur place, à peine pouvait-il souffler. Midi arriva. N'entendant pas la clochette, les autres rentrèrent :
- Eh bien ? Qu'arrive-t-il ? Pourquoi n'as-tu pas sonné ?
- Oh ! J'ai eu tout à coup mal au ventre : le feu chauffait trop ...

- Allons ! Tant pis ! dit Jean de l'Ours. Tu guériras bien ! Mais, pour le moment, dînons !
Le berger ne disait rien : "Oui, pensait-il, tu en as eu un beau, mal de ventre ! ..."
Le lendemain, ils laissèrent Jean de l'Ours au logis et s'en allèrent travailler aux champs.
- Je sonnerai, oui ! leur dit-il. N'ayez crainte.
Et voici Jean de l'Ours occupé à son ménage. Il prépara la soupe, le fricot, rien ne manquait. Soudain, la vieille arriva dans la cuisine.
- Bonjour, mon garçon.
- Bonjour vieille.
- Vous faites du bon fricot ?
- Oh oui, dit Jean de l'Ours.
- Ne voudriez-vous pas m'en faire goûter un peu ? lui dit la vieille.
- Oh ! N'y comptez pas ! Je ne l'ai pas préparé pour vous.
- Oh ! si.
- Oh ! non !
Et, en même temps, la vieille voulut sauter sur la barre de cent quintaux ; mais Jean de l'Ours fut plus leste qu'elle. Aussitôt qu'elle eut empoigné la barre, hup ! d'un coup il écrasa la tête de la vieille ; puis il commença à lui donner tant de coups sur sa carcasse qu'il la mit tout en morceaux. Quant il l'eût tuée, il la porta dans une armoire, et l'enferma dedans. Ensuite, il alla sonner la clochette. Quand les autres entendirent sonner la petite cloche - dan-dan ! dan-dan ! dan-dan ! -, ils furent bien surpris et ne savaient quel parti prendre.
Jean de l'Ours, en attendant leur retour, se mit à visiter tout le château, avec sa barre de cent quintaux à la main. Tout en allant de chambre en chambre, il trouvait ici des hommes grands comme des diables, là de vieilles sorcières, plus loin des nains : tous étaient des créatures de l'enfer ... Quand il eût assommé tous ces démons avec sa barre, il alla chercher ses camarades à l'ouvrage.

- Eh bien, vous ne venez pas dîner ?
- Oh ! nous n'osions pas.
- Allons, pauvres enfants, n'ayez plus peur de rien ...
- Et comment t'y es-tu pris, toi ?
- Oh ! dit Jean de l'Ours, tout à l'heure je vous ferai voir l'abattis que j'ai fait.
Lorsqu'ils eurent dîner, Jean de l'Ours ouvrit la porte de l'armoire :
- La reconnaissez-vous, celle-ci ? leur demanda-t-il.
- Oh ! A moi, elle m'a donné mal à l'estomac
- C'est celle qui m'a fait mal au ventre ! dit l'autre.
- Ah ! pauvres enfants, maintenant elle ne vous fera plus de mal !
Et Jean de l'Ours conduisit ses compagnons d'appartement en appartement pour leur montrer tout ce qu'il avait tué. Puis, ils allèrent faire une grande fosse pour enterrer tout cela. Mais, en creusant la terre, ils trouvèrent un grand trésor que les démons avaient enterré auprès du château. Avec cet or et cet argent, leur fortune était faite, et ils étaient également propriétaires du château et des terres. Car il était dit dans leur marché avec le monsieur que tout leur appartiendrait s'ils pouvaient remettre le domaine en état dans la quinzaine. Ainsi, les trois risque-tout étaient devenus des messieurs.

Là je vidai mon sac,
Et je m'en revins à Commensacq.

Félix ARNAUDIN, Contes populaires de la Grande-Lande, 1966-1967
Raconté en 1879 par Jean BERNEDE, dit Lou Cantanéy, berger, âgé de 53 ans, né et vivant à Commensacq
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