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 L'ancienne mendiante basquaise (Texte de 1900)

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Joa
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MessageSujet: L'ancienne mendiante basquaise (Texte de 1900)   L'ancienne mendiante basquaise (Texte de 1900) EmptyJeu 20 Sep - 15:37

L'ancienne mendiante basquaise a maintenant presque disparu. C'était un des types de femmes les plus curieux de la région. Mais elles sont descendues dans la tombe, les unes après les autres, les vieilles femmes qui, dans leur première enfance, avaient assisté à l'invasion des Espagnols dans les villages de la frontière et entendu dévaler le long des montagnes, par le col d'Ispéguy, les lourds canons des Anglais en route pour Toulouse. Ces braves vieilles ne ressemblaient en rien aux mendiants de nos villes. On le les a pas vues, dans leur jeunesse, implorer la pitié des passants, un marmot loué à l'heure ou à la journée sur les bras. Lorsqu'elles étaient jeunes, elles travaillaient, elles gagnaient leur pain avec vaillance. L'âge est venu, avec l'âge le déclin des forces. Alors elles ont eu recours à la charité publique. Entourée de ces conditions de respectabilité, la mendicité ne pouvait emporter aucune défaveur. Au contraire, autrefois, on éprouvait à l'égard des mendiantes une affectueuse commisération ; on les recevait avec beaucoup d'affabilité, on les traitait avec bonté. Faire l'aumône était une des principales vertus et le privilège de la maîtresse de maison. Telle maîtresse s'était acquis une réputation par ses charités ; on citait son nom avec admiration, parce qu'elle savait généreusement part de ses biens aux pauvres. Elle ne donnait pas d'argent, car elle n'en avait pas. Elle donnait les produits du sol : des haricots, des pommes de terre, du pain, des morceaux de méture selon le degré d'aisance de la famille. Pour emporter sa quête, la mendiante s'était munie d'un sac cousu aux deux bouts qu'elle jetait sur son dos en passant sa tête par une ouverture ménagée au milieu du sac. De cette façon, la charge s'équilibrait dans les deux poches du sac. Dans chaque village, un jour était réservé aux pauvres. On les voyait revenir régulièrement : on les connaissait, on les attendait. Dans les maisons éloignées, on leur gardait de la paille, des couvertures, quelquefois une couchette.
On leur destinait un gîte où ils passaient la nuit après avoir pris part au repas de famille.

Lorsqu'une mendiante frappait à sa porte, la première question que lui posait la maîtresse était souvent : "Qu'y a-t-il de nouveau ?" La mendiante était une gazette vivante, et c'était la seule gazette qui parvînt aussi loin dans les pays perdus de la montagne. Elle ne se faisait pa prier pour raconter ce qu'elle avait vu et appris dans le cours de ses pérégrinations. Elle savait embellir les nouvelles et possédait à un haut degré le talent de l'amplification, surtout lorsqu'elle vantait la libéralité des personnes charitables à son égard. Si son récit paraissait amusant, la maîtresse la retenait à souper pour que toute la famille put l'entendre à la veille du soir, après le travail de la journée. Quelques vieilles femmes d'une mémoire extraordinaire récitaient des complaintes versifiées dont les couplets se suivaient à l'infini. Les auditeurs, ravis, écoutaient sans se lasser. Malheureusement, ces complaintes n'ont pas été notées à temps et sont maintenant oubliées de la génération présente. A une époque où les communications étaient aussi difficiles que rares, les mendiantes avaient un rôle utile. Les contes de fées, les pièces de théâtre où l'auteur fait intervenir la vieille femme en haillons qui est chargée de porter à la jeune et belle séquestrée les assurances de la libération prochaine, ne sont pas pures fictions. Ce sont moeurs plus conformes à la réalité qu'on ne le suppose. Grâce à leur vie errante, les mendiantes servaient d'intermédiaires entre les familles ; elles se chargeaient des messages d'une maison à l'autre ; elles négociaient des mariages, et les promesses des fiancés s'échangeaient par elles. On leur a attribué avec raison la conclusion de mariages riches, de mariages importants : leur discrétion était à toute épreuve.
Que leur rapportait leur industrie ? Peu de chose, sans doute, mais suffisamment pour pourvoir à leurs besoins : on vivait de si peu, il y a une soixantaine d'années ! Les provisions qu'elles avaient ramassées dans leurs sacs, elles allaient les vendre dans les fermes pour la nourriture des bestiaux et de la volaille. On leur donnait un sou par kilo de morceaux de pain. Elles recevaient aussi, et c'était une des formes que prenait la charité, du lin à filer. Elles pouvaient gagner en filant de deux à trois sous par jour. Ces gains nous paraissent minimes, mais leur valeur s'élève si nous les comparons aux salaires des ouvrières de la campagne vers la fin de la Restauration. De 1820 à 1830, la journée de femme pour couper la fougère, pour piocher les champs, se payait six sous. Certains travaux mieux rémunérés, ceux de la vendange, cueillir le raisin, le porter à la cuve, valaient dix sous. Ce chiffre de dix sous représentait, du reste, le salaire ordinaire des ouvriers. Il nous faut arriver à 1835 pour trouver dans les anciens livres de comptes basques des salaires agricoles de douze à quinze sous par journée d'homme. Le prix des loyers, les denrées alimentaires, étaient d'une valeur proportionnelle. le loyer d'une petite maison avec son jardin variait de 10 à vingt francs par an ; la viande dont on ne mangeait pour ainsi dire jamais, se payait six ou huit sous la livre basque, c'est-à-dire le kilo et demi.

La mendiante, lorsque c'était une méchante créature, savait se doubler d'une prétendue sorcière et se faisait attribuer une puissance mystérieuse pour exploiter la crédulité des paysans. Elle jetait le sort sur le bétail, sur les enfants. On la redoutait. Lorsqu'on lui donnait l'aumône, c'est qu'on osait pas lui refuser, et elle savait menacer et maudire jusqu'à ce qu'elle eût obtenu ce qu'elle voulait. Souvent la mendiante, pour augmenter ses petits profits, ne dédaignait pas la contrebande. Elle dissimulait sous ses jupes des sacs de sel qu'elle portait d'Espagne en France, du sucre, du café, qu'elle était certaine de vendre dans les maisons qu'elle fournissait de ces denrées.
Nous avons connu en 1850-1860 de vieilles femmes qui, dans leur jeunesse, avaient été ds hardies contrebandières ; elles franchissaient par la nuit noire, la pluie, le vent, les cols par lesquels le passage est possible de France en Espagne et d'Espagne en France : elles avaient d'audacieuses ruses pour tromper les douaniers et les emmener sur le haut d'un pic, tandis que les compagnons et les compagnes contournaient le précipice et arrivaient sains et saufs dans la maison complice où les lourds fardeaux se dissimulaient dans de secrètes loges, dans des cachettes de cave qu'aucun Basque n'aurait jamais dévoilées. C'est ainsi que pendant la guerre carliste, avant 1870, il se fit par la frontière de la vallée de Baïgorry une contrebande formidable de cartouches, de poudre, d'armes de toutes sortes pour les belligérants des provinces basques qui se préparèrent de longue main à la lutte contre les troupes espagnoles.
Nous nous demandons quelle est l’opinion du Basque sur la femme et, à cette question, nous ferons la réponse la plus banale. Le Basque, lorsqu’il parle de la femme, ne diffère pas de langage avec celui de la généralité des hommes de toutes les époques et de toutes les races. Il devient satirique. Toute son ironie s’adresse au sexe faible. Se souvenant d’Eve il dira : « Amuse le chien avec un os et la femme avec un mensonge. »
Dans le recueil des proverbes basques de l’avocat au Parlement de Navarre Oihénart, bous apprenons que la femme est une créature portée à la vanité : « Une servante de pays lointain a bruit de demoiselle. » Elle est dissipée : « Les trop longues promenades perdent les poules et les femmes. » Elle est coquette : "Johanna a sa robe de drap fin, sa pitance, c'est la fève : son potage est comme de l'eau de lessive." La femme est, bien entendu, versatile : "L'esprit de la femme est léger comme le vent d Midi." Sa beauté est un piège : "La belle est d'ordinaire fainéante." Avant de prendre femme, on ne saurait trop peser et examiner : "L'or, la femme et les étoffes, ne les choisis qu'en plein jour., et quelque avisé qu'ait été Domingo dans le choix de son épouse, il a épousé les soucis : "Domingo, dit le proverbe, prends une femme et après dort tant que tu voudras, car elle aura assez soin de t'éveiller." Il lui en cuira s'il a été assez sot pour faire un mariage d'ambition : "Celui qui prend femme de grande maison, ne sera pas sans noise à la maison." S'il la prend à cause de sa dot, la sagesse des Basques, d'accord avec celle des nations, l'avertit que "celui qui choisit sa femme par seule considération de sa dot, s'en repent dès le lendemain, à cause du mal qui lui en revient." Mais voici un proverbe qui est moins juste et plus cruel : "Le jour où l'on se marie, c'est le lendemain du bon temps." La marâtre reçoit plus justement des coups d'épingle : "La marâtre, quoique faite de miel, n'est pas bonne." "Il ne s'est jamais trouvé au monde qu'une seule bonne marâtre et le loup l'a emporté." Et ceci : "Marâtre, dis-moi : - Tiens, et non pas : - En veux-tu ?" Un esprit plus équitable à l'égard de la femme se révèle cependant par le proverbe suivant : "C'est à force de filer que notre maîtresse a provision de linge, et non pas pour être restée à la maison." En fin de compte, dans la lutte contre le pouvoir de l'homme, la femme s'avoue vaincue : "Qui a mari a seigneur", dit le proverbe.

Mme Charles d'Abbadie d'Arrast, Contes, récits et légendes des pays de France
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