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 La sorcellerie dans le Labourd

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Joa
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Joa


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MessageSujet: La sorcellerie dans le Labourd   La sorcellerie dans le Labourd EmptyDim 14 Oct - 10:49

Les Basques croient aux sorciers, mais ce n'est plus aujourd'hui que la trace d'une maladie mentale, jadis universelle dans le pays. Issue des ignorances, des terreurs, des souffrances matérielles de la nuit du Moyen Âge, la sorcellerie avait pris dans les régions occidentales de l'Europe un développement considérable. La croyance au surnaturel sans cesse agissant sur le naturel et susceptible même de subir son influence, l'insuccès fréquent des prières et le redoublement de la misère publique avaient peu à peu amené dans la foi religieuse une déviation remarquable, et substitué le culte de l'esprit lamfaisant, du démon prochain, à celui du Dieu bienfaisant mais éloigné. Le mal menace imminent, le bien tarde à venir : invoquons donc le génie du mal et donnons-nous à lui pour nous concilier ses faveurs.
De ce raisonnement était résulté une sorte de religion occulte et mystérieuse, donnant satisfaction aux instincts de jalousie, aux passions rancunières, aux besoins innassouvis, aux convoitises impatientes des déshérités. Condamnés par la religion officielle, hostiles à l'organisation sociale, ces mécontents étaient par là même voués aux excentricités d'allures, aux agissements ténébreux, et forcés de se montrer d'autant plus cruels pour leurs ennemis qu'on les traquait plus impitoyablement. Il leur fallut dominer par la terreur dans les campagnes. Aussi peu à peu le mal devint-il universel.
Le Labourd offrait un champ merveilleux pour le développement d'une telle franc-maçonnerie, si l'assimilation dont ce mot donne l'idée n'est pas trop inexacte. Terre peu cultivée, inféconde, peuplée d'une race très impressionnable et très crédule, patrie de nombreux marins en qui les voyages et les aventures ne pouvaient qu'accroître le goût pour le merveilleux et le surnaturel, habité la plus grande partie du temps par des femmes laissées seules en compagnie de prêtres aux allures étranges, le Labourd était devenu, au commencement du XVIIe siècle, le pays des sorciers par exellence. De nombreuses traces en sont restées dans les contes, les récits et même les croyances contemporaines ; les livres religieux basques du siècle dernier sont remplis d'imprécations et de malédictions contre les devins, les sorciers et leurs adeptes. Enfin, un livre des plus curieux, découvert par Michelet et cité largement par d'autres après lui, est extrêmement instructif à cet égard (De l'inconstance des mauvais anges et démons, par Pierre de Lancre, conseiller au Parlement de Bordeaux ; il a eu deux éditions successives, en 1610 et 1613). On y trouve presque intégralement tous les détails de la procédure faite par l'auteur, en compagnie du président d'Espaignet, contre les sorciers du Labourd en 1609.

L'enquête dura quatre mois, de mai à octobre, pendant lesquels les commissaires parcoururent tout le pays ; mais leurs stations principales furent Ascain et Saint-Pée. Ils reçurent les dépositions de plus de cinq cents témoins (la plupart étaient des enfants et surtout des petites filles de six à douze ans) ; ils jugèrent, condamnèrent et firent exécuter une soixantaine de "sorciers" dont au moins cinq prêtres. Je vais résumer ci-après, le plus brièvement possible, les faits constatés par les magistrats bordelais.
En premier lieu, de Lancre raconte le mécontentement de Satan lorsqu'il se vit pourchassé sur ce domaine qu'il possédait librement depuis si longtemps. Aussi, n'est-il pas de ruses et de prestiges qu'il n'ait mis en oeuvre pour troubler le cours de la justice : "Mais Dieu avait déjà montré sa volonté et sa toute-puissance et rien ne prévalut contre elles ; de la tête d'une des premières sorcières brûlées vives sortit, preuves évidentes de ses crimes, une véritable fourmillière de crapauds : l'un de ces monstres, tout noir, ne parut sentir ni le feu ni les coups de sabres et de pierres, et disparut sans qu'on pût savoir comment."
Des paroisses tout entières étaient peuplées de sorciers qui se rendaient tous au sabbat, curés en tête. Les uns y allaient tout simplement à pied ; d'autres s'y transportaient à travers les airs à cheval sur un balai ou sans aucune monture, après s'être enduit le corps d'un onguent spécial. On y amenait souvent des amis, des parents ou des enfants qu'on venait offrir à Satan ; la puissance de ces sorciers était telle qu'aucune clôture ne pouvait les arrêter, et même, pour tromper leurs gardiens, lorsqu'on voulait les empêcher de sortir de la maison, ils pouvaient laisser à leur place le forme de leurs corps. C'est ainsi qu'une personne que nos deux magistrats enquêteurs avaient fait lier sur son lit à Ascain et qu'on avait pas quittée des yeux, put néanmoins raconter sur le sabbat tenu cette même nuit des détails dont sa confrontation avec d'autres "sorciers" fit reconnaître la parfaite exactitude. La faculté de locomotion des sorciers était telle qu'on amena à de Lancre une femme qui d'un seul pas était descendue du sommet de la Rhune (963 m) au hameau de Béhobie, à huit kilomètres de là.

C'est à la nuit close qu'avait lieu le sabbat. Les coqs, ces vigilants ennemis du démon, on ne nous dit point pour quelle raison, avaient soin par leur chant d'avertir leurs maîtres du passage des sorciers. C'est pourquoi beaucoup de vieilles femmes ont encore aujourd'hui l'habitude, dans le Pays basque, de jeter sur le feu une poignée de sel, lorsqu'elles entendent le chant du coq pendant la nuit : c'est le seul moyen de conjurer le sort qui a pu être jeté sur la maison et ses habitants par le sorcier dont le fidèle animal a révélé la présence.
Le sabbat se tenait habituellement en plein air, dans une lande nue, sur un carrefour, à l'entrée d'un bois. Quelquefois pourtant il avait lieu au milieu des villages, sur la place principale, comme à Ascain, ou dans une grande maison, comme dans le château aujourd'hui en ruines de Saint-Pée. Là le démon posait sa "chaire" dorée où il prenait place, le plus souvent sous la forme d'un bouc. Les sorciers défilaient alors devant lui, renouvelant leur renonciation à Dieu, l'adorant et l'embrassant par derrière ; quelques-uns lui offraient de jeunes enfants inconscients ou des recrues volontaires.
Pour éviter la présence irrégulière des profanes, un signe de reconnaissance était exigé ; c'était parfois la récitation de la série des jours de la semaine : mais il fallait avoir soin d'omettre le nom du dimanche, témoin le conte basque des deux bossus : le premier, amené au sabbat par sa maîtresse et endoctriné par elle, oublie ses recommandations et prononce nettement le septième mot "dimanche" : grand émoi dans l'Assemblée, mais le Diable se montre bon prince et renvoie l'intrus débarrassé de sa bosse. Celui-ci n'a garde de taire son aventure ; et l'autre bossu d'accourir à son tour au sabbat où, moins accomodant cette fois, le démon lui fait ajouter sur le dos la bosse enlevée à son camarade.
Ordinairement, dans les communes de la côte principalement, une messe était célébrée "par dérision et moquerie" et souvent par un prêtre, avec toutes les cérémonies ordinaires, mais avec cette particularité que l'hostie était noire. Après la messe et la quête, les sorciers et les sorcières se livraient à de véritables orgies.
Les enfants gardaient les "troupeaux" de crapauds et de vipères, et les vieilles femmes fabriquaient les poisons, les onguents et les poudres malfaisantes. Le principe de ces compositions est toujours le bois du cornouiller sanguin (en basque zuhaindor), ou arbre maudit, et la chair des crapauds ou des vipères. C'est avec ces poudres que l'on jetait des sorts et que l'on faisait mourir le bétail.

Le sabbat durait jusqu'à l'aurore. On se dispersait alors régulièrement. D'autres fois, il était brusquement interrompu soit par le chant d'un coq, soit par un signe de croix, soit par une parole intempestive comme celle de cette fille d'Urdax qui assistait pour la première fois à la réunion et qui, émerveillée du spectacle, ne put retenir l'exclamation admirative : "Jésus !", qui eut pour résultat de la laisser toute seule, dans la plus profonde obscurité, au milieu des landes sauvages.
Tels sont, en peu de mots, les résultats de l'instruction judiciaire dirigée pendant quatre longs mois par deux personnages considérables, deux magistrats importants du Parlement de Bordeaux. Que devons-nous en penser et quels jugements porterons-nous, non seulement sur ces faits, mais encore sur l'oeuvre de la justice ? La seule conclusion qu'il soit possible de tirer de la lecture du livre de Lancre, c'est simplement qu'au XVIIe siècle les habitants du Labourd étaient sous le coup d'une véritable épidémie morale, entretenue et propagée par la crédulité, d'une part, et de l'autre par la persécution.
A de pareilles maladies il n'y a qu'un remède, l'instruction ; les progrès inévitables amenés par la suite des temps peuvent seuls mettre fin à un pareil état des esprits. Soixante ans seulement après la mission de MM. de Lancre et d'Espaignet, on constate à ce point de vue une amélioration sensible. Dans une lettre de la municipalité de Bayonne à l'Intendant de Guyenne, en date du 11 juillet 1671, il est question de sept ou huit femmes emprisonnées comme sorcières. Après avoir raconté ce que disaient ces femmes des orgies du sabbat, les édiles bayonnais ajoutent : "Elles sont toujours restés misérables et, au retour du sabbat, elles mourrraient de faim ; en sorte qu'elles avouent que ces régales imaginaires de viandes de toute façon n'étaient qu'illusion et fourberie." Au fond d'ailleurs, disent les mêmes magistrats, "nous sommes en peine de croire toutes les impiétés et abominations qu'elles disant avec franchise et persévérance".
Le doute qu'expriment ces derniers mots est le commencement de la sagesse.

Julien Vinson, Contes, récits et légendes des pays de France.
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