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 Les chauffeurs en Normandie

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Joa
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Joa


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MessageSujet: Les chauffeurs en Normandie   Les chauffeurs en Normandie EmptyVen 16 Mai - 10:42

à la fin du XVIIIe siècle


Au bois de la Fouillouse
Il y a vingt voleurs


Ainsi chantaient, au temps passé, les paysans du Forez. Ainsi eussent pu chanter les paysans de tous les villages voisins de quelque forêt.
Les voleurs, ou plutôt les chauffeurs, dont il va être question, avaient pour centre de leurs opérations le bois de la Valette, dépendant de la forêt de Roumare, à deux lieues de Rouen.
Tout près de cette forêt, à Pissy, se trouvait, à la fin du siècle dernier, une ferme occupée par le citoyen Jacques Doury.
Le bois de la Valette avait alors la même célébrité que la forêt de Bondy. Il était, en effet, hanté par une bande de chauffeurs conduite par un chef célèbre, appelé Duramé. C'était un ancien tisserand du village de Bondeville. Ce nom de Duramé, en quelques années, était devenu la terreur du pays. Bondeville n'était éloigné de Pissy que de quatre ou cinq kilomètres.
Or, il arriva que le 16 germinal an IV de la République (mardi 5 avril 1796), le nommé Jean-Baptiste Marie, charretier chez Jacques Doury, trouva, à son grand effroi, derrière un bâtment de la ferme, un billet ainsi conçu :

"Non timet, nobis victoria. (détestable latin : "Ne crains rien ; la victoire est à nous.")
"Enfin, depuis plus de deux mois que tu perds patience, je t'apprendrai que c'est demain qu'il faut avertir la troupe pour le jour indiqué dans la précédente. J'ai averti Larose, Laviolette et Brûlemoustache, qui avertiront leur troupe pour se rendre à onze heures et demie à Pissy, pour entrer de front dans les six maisons que tu sais. Le feu suivra la victoire. Trouve-toi là où tu sais.
"Puniantur mortem. (Qu'ils soient punis de mort.")

DURAME."

Au nombre des six maisons désignées pour le pillage se trouvait vraisemblablement la ferme assez importante de Jacques Doury. Celui qui écrit ces lignes est par sa mère petit-fils du fermier Doury.
Le billet trouvé par le charretier, et déposé aux mains de la justice, amena l'arrestation d'une partie de la troupe, et, par suite, la condamnation à mort de Duramé et de sept de ses complices. Un magistrat rouennais, M. Thiessé, déploya dans le procès des chauffeurs un zèle d'autant plus justifié qu'il avait avec lui la population tout entière, qui ne désirait rien tant que de voir mettre fin au brigandage des chauffeurs. Faut-il ajouté que pour l'exécution de la sentence prononcée contre les huit brigands, on vit paraître pour la première fois à Rouen le nouvel instrument de supplice, la guillotine ? Mais une partie de la bande avait échappé à la justice ; un nouveau chef en prit donc le commandement, et les exploits recommencèrent plus terribles.
Deux ans plus tard, en 1798, le grand-père avait quitté la commune de Pissy pour s'installer à quatre ou cinq kilomètres de là, au milieu des bois de Bondeville, dans une ferme plus considérable appartenant à M. de Radepont. Il occupait depuis deux ans cette ferme nouvelle, et l'on était en 1800, lorsque arriva une bien étrange aventure, que peuvent se rappeler encore les anciens du pays, au moins pour l'avoir entendu raconter, car l'affaire fit grand bruit.
Rien n'était plus connu à Rouen que la ferme du grand-père. On y allait le dimanche se promener au bois, faire la collation et danser, car on y tenait un bal de bonne compagnie. Jacques Doury, un très brave homme, vigoureux, vif, pétulant, était, malgré sa bonne santé, d'une maigreur qui lui avait mérité le surnom de Père Boisette.
Et puis, il y avait, dans toute sa personne, on ne sait quoi d'amusant et de sympathique. Il était sans l'aisance, mais on le croyait très riche. Sa femme, Marianne Thirel, a laissé dans la famille une réputation de vaillance, de douceur et de bonté, telle que même ses petits-enfants, qui ne l'ont pas connue, ne parlent d'elle qu'avec émotion et respect.
Un jour donc, au mois de mars 1800, Jacques Doury était à Rouen pour affaires ; Marianne Thirel était seule à la ferme avec ses trois petites filles, qui ne comptaient encore que dix, douze et treize ans. Il y avait bien un fils aîné, mais il était pensionnaire à l'excellente école de Fresquienne, village situé à deux lieues de distance.

Marianne était sur le point de mettre au monde un cinquième enfant. Un jour donc, qu'elle se trouvait seule avec ses trois fillettes, les charretiers et autres domestiques étant dehors et le mari à la ville, voici qu'elle voit venir un mystérieux voyageur.
- Madame, ne vous effrayez pas, lui dit-il, je suis un gendarme déguisé, et je vais être suivi de douze camarades déguisés comme moi qui vont arriver les uns après les autres, chacun par un sentier différent. Nous venons pour protéger votre maison et votre famille, qui doivent être attaquées cette nuit par une bande de chauffeurs ; mais il faut que vous en sortiez avec vos enfants pour n'avoir à courir aucun danger dans la lutte qui doit s'engager à minuit précis. Ainsi, permettez que je vous enferme dans quelque autre bâtiment avec vos trois petites. Où est votre mari ?
- A Rouen.
- Rentrera-t-il de bonne heure ?
- Dans la soirée, je pense.
- Très bien ! nous aurons besoin de lui.
Voilà donc ma grand-mère enfermée dans le pressoir, entourée de ses fillettes ; pleine de courage et de sang-froid pourtant, elle s'arma du grand et terrible couteau à pressoir.
Je vois encore ma mère me raconter cela : "- Taisez-vous, nous dit-elle, et ne craignez rien ; je saurai bien vous défendre."
Hélas ! la pauvre femme, aussi bien que ses enfants, était persuadée que les prétendus gendarmes n'étaient autres que les brigands eux-mêmes. Depuis l'aventure du billet de Pissy, qui avait conduit à l'arrestation de Duramé, on avait toujours craint dans la famille que la troupe ne se vengeât.
Les domestiques, à mesure qu'ils rentrèrent, furent, l'un après l'autre, enfermés dans la grange ; car il importait que l'on n'allât pas éventer l'aventure aux villages de Bondeville et de Maromme.
Jugez de la surprise et de l'épouvante du grand-père, lorsqu'en rentrant au soir il vit douze étrangers, pistolets sur la table et fusils en bandouillère, soupant tranquillement.
- Où sont marianne et les petites ?
- Citoyen Doury, votre femme, vos enfants et tous vos domestiques sont en lieu sûr. Mais, quant à vous, vous resterez avec nous, s'il vous plaît, pour le moment décisif.
La nuit était affreuse, pluvieuse et glaciale.
Il importe ici de savoir que la maison avait deux entrées : une très large, et l'autre très étroite. Il s'agissait de faire entrer les brigands un à un pqar la petite porte.
A minuit, des cavaliers arrivent, font retentir le heurtoir.

- Qui va là ?
- Jacques Doury, mon ami, c'est le prince de Montmorency avec sa suite qui vous demandent pour quelques instants un abri.
- Je ne peux seul ouvrir la grande porte ; voulez-vous bien, Monseigneur, entrer de l'autre côté, par le potuis ?
L'entrée se fit, les gendarmes se précipitèrent sur les brigands ; une lutte affreuse s'engagea ; un des brigands reçut en pleine machoire un coup de feu qui le tua roide. le grand-père, épouvanté, prit la fuite, et, confondu par cette imprudence avec les brigands, fut légèrement frôlé d'une balle ; il courut en criant au feu jusqu'au village, d'où l'on accourut toute la nuit avec des seaux.
Cette attaque emut fort la contrée ; la justice, dirigée par M. Thiessé, se remit à l'oeuvre, et, grâce à son zèle, la troupe ne tarda pas d'être découverte, condamnée, et décapitée sur la place du Vieux-Marché.
Il en fut donc des forêts de Normandie comme de celles du Forez, et l'on y chante depuis lors :

Au bois de la Fouillouse
N'y a plus de voleurs.


Magasin pittoresque, 1879, Contes, récits et légendes des pays de France
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