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 Le pommier de la mère Misère

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Joa
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Joa


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Le pommier de la mère Misère Empty
MessageSujet: Le pommier de la mère Misère   Le pommier de la mère Misère EmptyDim 24 Juin - 9:59

Le thème de la mort dupée est particulièrement ancien. Le plus souvent, le héros qui parvient à immobiliser la Faucheuse est un maréchal ferrant ou un pauvre homme, connu dès le XVIe siècle dans les livrets de colportage sous le nom de bonhomme Misère.

Il était une fois une pauvre vieille Poitevine qui s'appelait la mère Misère. Vous la voyez, assise au coin de l'âtre, dans la chaise basse où, jadis, elle berçait et emmaillotait ses petits. Alors, elle piquait sous la chaise chaque épingle qu'elle retirait des langes. Aujourd'hui, ses bras sont vides et le paillage de la chaise pend lamentablement jusqu'au ras du sol. Le maigre feu de bois qu'elle est allée bûcheiller dans la forêt éclaire à peine la terre battue de la masure ; le grillon a déserté la cheminée refroidie, son cri-cri ne berce plus les rêveries de la miséreuse ; l'eau ne chante pl 5ac us dans la marmite de fonte pendue à la crémaillère. Où est l'homme, si dur à la besogne ? Il est mort de peine. Et les quatre gaarçons ?
Deux sont partis pour les guerres lointaines et ne sont jamais revenus ; un autre s'est perdu en mer, après que la conscription en eut fait un marin ; la maladie a emporté le quatrième. La mère Misère remâche son infortune, comme le boeuf sa pâture. Elle se dit que son lit la consolera ; mais les pensées pleines d'amertume l'attendent entre les draps de toile qu'elle fila au temps de sa jeunesse. Alors elle souhaite de mourir.

Cependant la Mort, qui étend partout son domaine, ne veut pas de la mère Misère. Ainsi se traîne l'hiver. Mais que vienne le renouveau, et voilà que le miracle du pommier s'accomplit. Le pommier de la mère Misère n'a pas d'âge ; ses rameaux couvrent tout le petit courtil. Quand les vents alizés soufflent et que commence de chanter le rossignolet dans le bocage, une trame étoilée de fleurs roses et blanches comme joue de jouvencelles s'étend sur la ramure du vieil arbre. Les pinsons font leur nid dans les branches dont la mousse se confond avec celle qui protège la couvée. Ils deviennent familiers au point de venir chercher des miettes de pain jusque dans la main de la pauvre vieille. Et ce sont des chansons à perdre haleine, des gazouillis à vous redonner une âme de vingt ans.
C'est bien son âme rajeunie qui revient habiter la mère Misère, quand elle est 5a4 assise sur son assitail de pierre, le dos accoté au tronc de l'arbre. Les fruits se nouent, et c'est une abondance de pommes merveilleuses qui se gardent tout l'hiver et jusqu'à la Saint-Jean, rafraîchissantes comme si elles avaient enfermé dans leur pulpe un peu de la neige venue du ciel. Voilà où commence le supplice de la mère Misère : dès que ses pommes font mines de mûrir, les petits galvaudeux s'introduisent dans le courtil par les brèches de la vieille muraille de pierre sèche ; ils grimpent à l'arbre, emplissent leurs poches et leurs musettes, dégringolent et se sauvent, comme bande de moineaux d'une gerbe de blé qu'ils ont pillée.
Elle n'essaie même plus de jeter son bâton ou son bocque après eux, cela ne fait qu'exciter leur rire. Ils lui laissent des fruits, tout juste de quoi lui faire regretter amèrement sa récolte. Comme elle craint le Seigneur, le bon saint Pierre a pitié d'elle. Il lui apparaît à l'aube, alors qu'elle peine à charger son fagot de bois mort.
- Fais un voeu, lui dit-il, il sera exaucé.
- Grand saint Pierre, dit la pauvresse, voici que mes pommes vont être mûres ; je te demande la grâce de pouvoir les récolter chaque année.
- Ainsi sera-t-il fait, dit le saint. Quand les maraudeurs seront à même les branches, tu n'auras que de m'implorer et ils seront pris comme mésange à la glu.
Le soir même, des garnements sautent la brèche, grimpent au pommier et emplissent leurs poche 5ac s.
- Grand saint Pierre, dit la pauvre âme, viens à mon aide.

Aussitôt, les malfaiteurs de se sentir pris aux branches et de ne pouvoir se déprendre, quoi qu'ils fissent. Le sortilège cessa au bout de deux heures, après qu'ils eurent juré de ne plus jamais recommencer. Le bruit s'en répandit, le pommier de la mère Misère passa pour enchanté et nul ne se risqua plus à en dérober les fruits. Ils sont à point et dorés à souhait ; la bonne vieille va pouvoir les récolter et en emplir son vieux bahut pour la mauvaise saison. Mais quelle est cette visiteuse en longs vêtements de deuil qui pousse le portillon et s'avance à pas délibérés ? A travers son voile, la mère Misère reconnaît celle qu'elle appela si souvent à son aide. Soudain, elle songe à la solitude du tombeau et une grande détresse l'envahit.
La Mort aperçoit les pommes tentatrices ; elle grimpe à l'arbre, s'installe sur une branche et saisit un fruit.
- Grand saint Pierre ! s'écrie la mère Misère, viens vite à mon secours.
La Mort veut descendre, elle ne peut, elle est prisonnière.
- Délivre-moi, implore-t-elle, je te donnerai tout ce que tu voudras.
Me laisseras-tu vivre, dit la mère Misère, si je te laisse partir ?
- Je te laisserai sur terre aussi longtemps que durera l'humanité.
Ainsi fut fait, et c'est pourquoi la Misère est éternelle. Mais le pommier garda le miracle de sa floraison et de ses nids et voilà aussi pourquoi l'espo 537 ir renaît sans cesse au coeur de l'homme.

Francine POITEVIN, Contes et légendes du Poitou, 1938
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