Irma Sonne, une charmante vieille dame âgée de quatre-vingt-cinq ans, coule des jours paisibles dans une maison de retraite des environs de Bonn, en Allemagne. Son humeur égale, son goût pour les arts et la musique lui valent sympathie et admiration. Mais c'est la prodigalité dont elle fait preuve à l'égard de ses co-pensionnaires qui fait d'elle la vedette incontestée de l'établissement. En effet, aucune semaine ne se déroule sans que Irma comble ses amies de douces et délicates attentions. Une boîte de chocolats pour une voisine gourmande. Un bouquet de fleurs fraîches pour embellir la chambre d'une autre. Une écharpe pour une frileuse. Des livres à chacune pour célébrer Noël.
" Je suis une mère et une grand-mère gâtée, explique la vieille dame pour justifier la manne de colis que lui apporte régulièrement le facteur. En dépit de mes protestations, mes cinq enfants et mes seize petits enfants ne cessent pas de m'envoyer des cadeaux.
- Mais pourquoi ne gardez-vous rien pour vous ? s'offusquent ses compagnes.
Irma baisse alors les yeux et répond coquettement :
"Les fleurs me font tourner la tête, mon diabète m'interdit les friandises, quant aux livres, ma chambre en est pleine."
Un matin, le directeur de la maison de retraite présente une mise en demeure à la grand-mère prodigue. Une facture de 8 000 euros. Elle correspond aux innombrables cadeaux impayés que Irma commandait et s'adressait à elle-même depuis des mois.
"En vérité, je n'ai aucune famille et je n'ai pas d'argent. J'espère seulement que mes amies m'auront aimée aussi pour ce que je suis", a murmuré tristement la vieille dame avant de quitter le foyer pour fuir, honteuse, vers le sud du pays.
Le parquet a décidé de classer l'affaire contre la promesse que Irma dédommagera les commerçants plus tard grâce à son assurance décès.