Le portail de la cathédrale d'Ajaccio, beau témoignage de l'art du XVIe siècle, a été payé trois fois, à la suite de circonstances aussi étonnantes que romanesques.
L'évêque de la ville, qui l'avait commandé à un célèbre sculpteur de Carrare, avait chargé un Ajaccien, Francesco Acquavica, d'en prendre livraison à Gènes. C'était un choix risqué, car Acquavica, le plus beau garçon de la ville, avait aussi la réputation d'être un joueur, un buveur et un débauché. Et, effectivement, à Gènes, il perdit au jeu et le portail et son navire.
Rentré à Ajaccio, il raconta à l'évêque que, pris dans une tempête, il avait sombré avec son chargement. Non seulement l'évêque le crut, mais quand le nouveau portail qu'il avait commandé fut prêt, il le chargea encore une fois d'aller le chercher. Entre-temps, Francesco Acquavica s'était fiancé avec Annonciade, fille d'un armateur de la ville, et, ayant pu affréter un nouveau navire, il repartit pour Gènes. Mais, cette fois, les semaines et les mois passèrent, sans que le bel Ajaccien revienne. L'évêque commanda donc un troisième portail, qui, cette fois, arriva enfin à bon port et orne depuis la cathédrale.
Tout le monde croyait Farncesco Acquavica mort. Pourtant, des années après, il revint. Il avoua à l'évêque que, pour la première livraison, il avait menti. Mais, dans la seconde livraison manquée, il n'était hélas pour rien. Capturé par les Barbaresques, il avait été emmené comme esclave à Tunis. Il venait de s'échapper par miracle.
Et le miracle continua pour Francesco : l'évêque lui accorda son pardon et la belle Annonciade, qui l'avait attendu, l'épousa.