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 Histoire de mon village

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Joa
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Joa


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MessageSujet: Histoire de mon village   Histoire de mon village EmptyVen 18 Avr - 10:33

Saint Martin et saint Georges la foire de l'Epinette

Le Val-Martin, mon village, n'est peut-être pas connu de tous nos lecteur ; il s'y tient pourtant chaque année, le 2 novembre, une grande foire, dite "foire des Morts", ou "foire de l'Epinette". Nous verrons tout à l'heure d'où est venue cette dernière qualification.
Tous les voyageurs qui allaient autrefois de Paris ou de Rouen à Dieppe par la diligence traversaient le Val-Martin, mais peut-être sans y prendre garde, sinon pour admirer les belles et riches plaines. Le pays de caux commence à cet endroit. En allant vers Dieppe, la première commune après le Val-Martin est Tôtes, où les voitures, il y a quarante ans, stationnaient, ce qui donnait alors à ce village de Tôtes une bien plus grande célébrité. Tôtes est d'ailleurs le chef-lieu du canton.

Quant au Val-Martin, hélas ! incendié par les Anglais au XVe siècle, disloqué à plusieurs reprises, il est devenu, comme l’empire de Charlemagne, la proie de ses voisins. Trois communes se le partagèrent : Butot, Sierville et Le Bocasse. Celle-ci même, pour cette raison, s’appelle « le Bocasse-Val-Martin ». Mais notre Val-Martin, comme témoignage de son ancienne importance, conserve encore son église, consacrée à Saint-Georges, ce qui fait qu’en beaucoup d’actes publics, documents, publications officielles ou autres, on donne au pays le nom de « Val-Martin-Saint-Georges ». En voici les raisons :
Le saint le plus célèbre en France, dans tout le Moyen Âge fut, comme on le sait, saint Martin, et nombre d’églises lui furent consacrées. Au contraire, le grand saint de l’Angleterre était saint Georges : aussi Talbot, durant son occupation de la Normandie, plaça-t-il sous le patronage de saint Georges les églises dédiées autrefois à saint Martin ; c’est ainsi que, plus près de Rouen, l’église Saint Martin de Boscherville, construite sous ce vocable par Raoul de Tancarville, est devenue Saint-Georges de Boscherville ; et c’est ainsi que notre église, consacrée d’abord à saint Martin, le fut ensuite à saint Georges. Le village, qui s’était appelé jsuque-là Val-Saint-Martin, devint le Val-Saint-Georges. Plus tard seulement on vit reparaître le nom de Martin ; mais, chose singulière, il avait perdu sa qualification de saint, et, l’on ne disait plus que Val-Martin, ce qui s’est continué jusqu ‘à nos jours ; jusqu’à nos jours aussi l’église est restée dédiée à saint Georges. Cette église fut même, à ce qu’on croit, bâtie par les Anglais, qui avaient brûlé l’ancienne, située dans un autre lieu. La nouvelle se trouve tout près d’un endroit appelé « la Vallée de Misère ». Est-ce un souvenir de ces temps cruels ?
Cette église, probablement bâtie par les Anglais et dédiée à saint Georges, n’a rien de bien intéressant pour les archéologues ; mais si vous voulez me suivre vers Sierville, nous verrons ensemble, toujours sur l’ancien territoire de Val-Martin, un vaste bâtiment gothique assez extraordinaire et qui sert aujourd’hui de grange à un cultivateur. La cour au milieu de laquelle s’élève ce singulier monument est elle-même encombrée de ruiines romaines d’un établissement balnéaire dont les fourneaux, qui paraissent avoir été considérables, sont encore très visibles.

Q uand au vieil édifice gothique, quelle a pu être sa destination ? L'on en sait vraiment rien. Deux rangs de piliers à l'intérieur le soutiennent comme une église, mais évidemment il n'eut jamais cette destination. On n'y remarque, en effet, qu'une porte d'entrée, et pas de fenêtres !
Mais voici quelque chose de plus étrange encore : retournons du côté du Bocasse, nous trouverons, à un kilomètre de notre édifice, tout à fait sur le bord de la grande route, un autre bâtiment non moins mystérieux.
Les murailles sont en grès ; la longueur du monument est de vingt-deux mètres, sa largeur d'un peu plus de sept. On y remarque une cheminée double, large et spacieuse. cette cheminée, construite en brique et tuile, est de bas en haut fortifiée par un assemblage de solides barres de fer formant treillis. La plupart des cheminées des vieux manoirs sont ansi construites. Mais les voyageurs en passant peuvent admirer l'élégance extérieure de celle-ci, avec son bossage en pointes de diamant : cinq facettes angulaires, et deux cordons festonnés, l'un en bas, l'autre en haut. L'édifice étrange n'avait primitivement que quatre portes cintrées d'inéfale grandeur, deux ouvertures au pignon sud, et quelques meurtrières, le tout incapable d'éclairer l'intérieur. Un escalier souterrain conduit à une immense cave dont les murailles ont quatre et même cinq pieds d'épaisseur ; et das ces murailles sont scellés de gros anneaux de fer dont la vue donne le frisson.
Quelle pouvait être la destination d'un pareil édifice ? les uns y voient un ancien couvent, d'autres un ancien manoir seigneurial, le plus grand nombre une "léproserie" ou "maladrerie". Il y a là tout près un hameau appelé "Bel-Event", qui semble confirmer cette opinion. Couvent, manoir ou maladrerie, on sait seulement que le lieu relevait de l'abbaye de Saint-Wandrille ; mais au XVIIe siècle le domaine était tributaire de la baronnie de Clères. Or, ce domaine n'était plus alors qu'une immense taverne où s'arrêtaient, couchaient, buvaient, mangeaient tous les voyageurs de Dieppe à Rouen ; les relais s'y faisaient pour le coche, pour la marée, pour le sel apporté de Dieppe par fourgons. C'est là même que s'exerçait la gabelle ; l'arrêt était donc forcé. la taverne monumentale portait pour enseigne l'image du Grand saint Georges. Ah ! pauvre saint Martin, le pays t'avait donc pour toujours oublié sous la pression anglaise ! Eh ! le croira-t-on ? les seigneurs de Clères donnaient volontiers à leur enfants le prénom de Georges.
La taverne du Grand saint Georges subsista jusqu'à la Révolution. Un vieux bonhomme, que j'ai connu il y a quarante ans, avait connu lui-même le dernier ou plutôt la dernière aubergiste du Grand saint Georges car c'était une femme.

- Vous rappelez-vous son nom ?
- Parfaitement ! c'était la mère Gabellière.
Les maîtres de l'auberge, comme on voit, prenaient leur nom de la destination même du lieu où; pendant au moins un siècle, fut perçue la gabelle sur les fourgons à sel.
Que n'a-t-il pas dû se passer dans cette auberge prodigieuse ? Quels romans une imagination féconde y pourrait construire ! Quelle hôtellerie ! et que d'aventures y fusent arrivées au vaillant Don Quichotte !
La taverne, alors, était entourée d'une vaste enceinte murée, et l'on y voit encore les ruines d'un puits profond. Ajoutez qu"au bout de l'enclos, un chemin, venant de l'église, s'appelait "le chemin des Fées". Autre objet de terreur : au bord de ce chemin se trouvait une série de buttes disposées pour la surprise et l'attaque. Ces buttes, considérées par les archéologues comme des ouvrages de guerre, paraissaient avoir servi d'embuscades au temps des combats à l'arc.
Ainsi, partout traces de guerres, de ruines, de tyrannie, de vexations, et l'histoire, ainsi retracée, dans un simple village !
Il y a, du reste, dans ce même village, des souvenirs d'un autre genre :
A quelque distance de la grande taverne, au bord de l'ancien chemin de Rouen à Dieppe, se trouvait une auberge de moindre importance, mais qui n'en fit pas moins à l'autre une terrible concurence. cette auberge avait pour enseigne un musicien jouant de l'épinette, et l'auberge s'appelait l'auberge de l'Epinette.
C'est là qu'aux premiers jours de novembre, après la célèbre "foire Saint-Romain" ou 'foire du Pardon" de Rouen, les sauteurs, danseurs et baladins s'arrêtaient, en s'en allant dans le pays de Caux. Les aubergistes de l'Epinette tâchaient de les y retenir ; ils y donnaient représentation aux gens du pays. or, trois paysans ne sauraient s'assembler sans faire entre eux quelque trafic. Les moutons d'abord se vendirent, puis des poulains, et ainsi commença la fameuse "foire de l'Epinette", la plus forte qu'ait eue le pays de Caux.
Le champ où elle se tenait devint, pour les droits à payer, d'un très bon rapport. Les moines de Saint-Wandrille l'achetèrent et l'annexèrent sagement à la taverne du Grand saint Georges, qui leur appartenait déjà. C'est ainsi que le modeste aubergiste de l'Epinette avait travaillé lui-même à l'enrichissement de son rival le tavernier du Grand saint Georges. La foire fut fixée au 2 novembre, sous le nom de "foire de la Toussaint" ou de "foire des Morts" ; mais le nom de "foire de l'Epinette" continua d'être eployé par les paysans, malgré ce que purent faire les moines de Saint-Wandrille et leurs fermiers du Grand saint Georges contre cette appellation populaire.

La "foire de l'Epinette", qui a lieu encore chaque année au Val-Martin, a perdu de son importance dans les derniers temps ; mais elle a cela de commun avec toutes les foires.
Le lecteur ne trouve-t-il pas qu'il serait curieux et instructif d'avoir, ainsi résumée en quelques mots, l'histoire de tous les villages de France ? (1879.)

(Magasin pittoresque, 1879), Contes, récits et légendes des pays de France.
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