Narration contes et légendes
Voici donc que nous allons nous asseoir ensemble au coin du feu pour une nouvelle veillée de contes. Ne pensez plus à rien, évadez-vous de vos soucis et laissez-vous bercer par le merveilleux celtique. Le tragique y fit bon ménage avec l’humour, le temps y est transcendé, les domestiques y sont plus malins que leurs maîtres, des êtres surnaturels récompensent les bienfaits et punissent la sécheresse du cœur et sous l’aspect d’un oiseau peut se cacher une belle princesse ou sous celui d’un affreux crapaud un noble prince.
Les contes, naguère, remplissaient une fonction irremplaçable : ils vous faisaient oublier pour un temps la dureté de la vie et prendre votre revanche sur les injustices et sur la malchance. De nos jours, ils ont été évincés de ce rôle par le petit écran. Mais je ne crois pas que ce changement soit une réussite. Ne me parlez pas, à ce propos, de « progrès » ! Dans ses récits, le conteur jouissait de la plus totale liberté. Tandis que la télévision est une esclave. Elle est entièrement conditionnée par la réalité. Parce qu’elle s’exprime en images, elle est prisonnière des lois physiques, des lois de la matière, ainsi que du comportement des préjugés et des passions de nos contemporains. Sur son écran, quand nous est offerte une œuvre de fiction, il ne s’agit jamais que d’une pâle caricature du réel, bien obligée d’en respecter les règles. Elle met sa coquetterie à en accentuer les traits les plus sordides : la violence, le déchaînement des passions, le dérèglement des mœurs. Ce n’est pas cela qui peut vous faire sortir du quotidien, vous faire oublier vos préoccupations et vos peines. Le conte est beaucoup plus autonome, parce qu’il n’a pas à vous faire voir les choses de façon matérielle, mais seulement à les évoquer dans leur idéalité. Dans un conte, le personnage métamorphosé en animal peut prescrire au héros de le tuer et de le découper en petits morceaux et le héros obéir à cet ordre, sans que nous en soyons choqués, car tout cela n’est qu’un élément d’une action magique que nous n’avons pas besoin de nous représenter visuellement. Mais que l’on imagine cette scène dans un téléfilm…Ce serait insoutenable !
Le spectacle télévisuel, par nature, ne peut que montrer des images, ce qui est très limitatif. Il est soumis à une dure sujétion. Le conte, au contraire, purement narratif, permet d’échapper un moment à la triste réalité. Le conte, c’est le rêve.
Alors, je vous propose, ce soir, de laisser tranquille votre poste de télévision. Ne vous installez pas en face de lui, n’appuyez pas sur le bouton d’allumage, allumez plutôt une flambée, si vous avez la chance de posséder une cheminée et carrez-vous dans un bon fauteuil, sous la lampe.
Vous allez, maintenant, vous laisser emporter par le rêve.