Le comportement de certains automobilistes appartient aux mystères insondables de l'âme humaine. Ainsi, quand Saïd, un chauffard iranien, renverse un inconnu dans un faubourg désert de Téhéran, il ne se préoccupe pas de savoir s'il a ou non occis sa victime. Il la charge, sanguinolente, dans le coffre de sa voiture et se dirige... à tombeau ouvert vers le cimetière des Martyrs. Soucieux de respecter les préceptes du Coran, qui recommandent l'inhumation rapide des défunts, Saïd y dépose le malheureux et rentre chez lui.
Tiré du coma par une meute de chiens errants qui lèchent le sang de son visage, l'accidenté retrouve ses esprits et réclame de l'aide en tirubant entre les tombes. Le gardien du cimetière surgit sur son vélo. Peu habitué à la résurrection spectaculaire de ses pensionnaires, il s'enfuit à toutes jambes, abandonnant sa bécane. Le miraculé s'en empare et se rue au service des urgences de l'hôpital le plus proche pour se faire soigner.
Lorsque Saïd apprend la nouvelle à la radio, il se rend aussitôt au poste de police.
"C'est moi qui ai déposé le blessé au cimetière. J'ai respecté la foi musulmane et Dieu l'a épargné", déclare-t-il, enthousiaste, à l'officier qui prend sa déposition en lissant sa moustache avec perplexité.