Joris Karl Huysmans, écrivain complexe et tourmenté de la fin du XIXe siècle, passioné d'ésotérisme et de satanisme, a habité une grande partie de sa vie rue de Sèvres, à Paris. C'est là qu'il eut, durant quatre ans, de 1895 à 1899, une bonne pour le moins particulière, Julie Thibault. Elle l'intéressa vivement au point qu'il la fit apparaître dans deux de ses romans, sous le nom de Céleste Bavoil. Il faut dire que le personnage sortait de l'ordinaire. Elle arrivait de sa Champagne natale avec, dans ses bagages, tous les textes sacrés de la "religion vintrasienne", ainsi que ses vases sacrés et ses ornements de culte. Se présentant comme le "Melchisédech féminin", elle consentit à tenir le ménage de l'écrivain à condition qu'il lui laisse le temps de remplir son rôle sacerdotal.
Huysmans accepta et, durant quatre ans, Julie Thibault mena de front ses deux activités.
Levée à l'aube dans sa chambre de bonne, elle revêtait sa chasuble de couleur verte et célébrait le culte vintrasien, avec pour seul assistant son chat Mouche. Après quoi elle mettait son tablier et s'attelait à ses tâches domestiques. Durant ses heures de loisir, elle se rendait à l'église Saint-Sulpice toute proche pour dérober les hosties et le vin de messe nécessaires à son office.
Huysmans finit par se lasser de son extravagance et se sépara d'elle lorsqu'il quitta Paris pour s'installer à la campagne. Julie Thibault regagna alors son village où elle continua d'officier pour le chat. Chaque année, l'écrivain lui versait une petite pension, dont elle le remerciait par une bouteille de cassis. Elle est morte quelques mois après lui, fin 1907, et elle est pour toujours associée à son oeuvre.