La course au profit, au détriment des règles les plus élémentaires de sécurité, ne date pas d'hier. Elle a sévi de manière particulièrement forcenée au XIXe siècle. En 1863, les armateurs de Paimpol décidèrent de faire appareiller le 20 février leurs bateaux allant pêcher la morue en Islande. Ils voulaient ainsi concurrencer les morutiers de Dunkerque. C'était faire fi des règles de navigation, car, en cette période hivernale, les conditions climatiques sont particulièrement mauvaises. Cette pêche était non seulement dangereuse, mais aussi illégale, car un décret de 1840 interdisait aux morutiers de prendre la mer avant le 1er avril. S'estimant injustement concurrencés, les Dunkerquois portèrent plainte. L'affaire alla jusqu'au Parlement, mais les armateurs y étaient puissants et il donna raison aux gens de Paimpol. Il en résulta une véritable hécatombe pendant tout le XIXe siècle. Sur cinq cents marins noyés entre 1863 et 1880, quatre cents le furent durant ces campagnes d'hiver de pêche à la morue. Mais il n'y avait rien à faire, pour le moment du moins. A Paimpol, le seul syndicat maritime était celui des armateurs, dont les membres s'engageaient à "réduire d'un commun accord les salaires des équipages". C'est la raison pour laquelle, chaque 20 février, les quatre cents goélettes qui quittaient Paimpol pour l'Islande, emmenant mille quatre cents marins, étaient accompagnées des bénédictions inquiètes des prêtres et des pleurs des épouses, qui se voyaient déjà veuves.